L’APMAQ inquiète d’un projet de construction dans le Vieux-Pointe-aux-Trembles
La Société de Développement Angus (SDA) propose un projet de nouvelles constructions dans le secteur du noyau villageois du Vieux-Pointe-aux-Trembles, dans l’est de Montréal. Si les intentions de la SDA semblent bienveillantes (revitalisation du secteur, environnement urbain dynamisé, offre de services et commerces de proximité et contribution aux pratiques de développement durable), l’APMAQ questionne la capacité du projet présenté à les réaliser.
Le projet proposé dans le Vieux-Pointe-aux-Trembles est un exemple flagrant du manque de sensibilité des interventions urbaines en milieu patrimonial observées partout au Québec. Ici et là des bâtiments anciens sont démolis, on remembre les lots sans égard à la trame urbaine d’origine, les gabarits et l’implantation des nouveaux édifices ne respectent pas les valeurs patrimoniales de ces secteurs. Or, ce sont justement ces caractéristiques du bâti ancien qui attirent les résidents et promoteurs : noyaux villageois, mixités des usages, commerces de proximités, architecture riche, etc. Les autorités gouvernementales doivent veiller à leur conservation pour leur valeur et leurs effets positifs sur la collectivité. Ces milieux exceptionnels ne peuvent être réduits à une rentabilité à court terme.
Les immeubles achetés par la SDA
Le projet implique la démolition de six bâtiments à usage mixte ou commercial, le remembrement des lots pour y ériger de nouveaux bâtiments de part et d’autre de la rue Notre-Dame. Fait significatif, il requiert de nombreuses dérogations au Règlement de zonage que l’arrondissement semble approuver sans hésitation. Pourtant, la réglementation en vigueur limite la hauteur de deux à trois étages. Une modification au Plan d’urbanisme est donc requise afin d’augmenter la densité pour une partie du secteur et répondre aux exigences de rentabilité de l’investisseur. Toutefois, cette modification n’est nullement arrimée avec les enjeux et constats qui ont été présentés aux citoyens, en vue de la révision du Programme particulier d’urbanisme (PPU) pour le secteur du Vieux-Pointe-aux-Trembles.
Ce projet redéfinirait un secteur majeur du Vieux-Pointe-aux-Trembles et s’avère définitivement en porte-à-faux avec la valeur patrimoniale du lieu. Les nouvelles constructions projetées encadreraient la rue Notre-Dame entre les rues Sainte-Anne, Saint-Jean-Baptiste et la Place du Village. Il s’agit du cœur de l’ancien noyau villageois. Un milieu qui, depuis le développement de Pointe-aux-Trembles au 17e siècle, a traversé les époques par son occupation continue. La Place du Village, aménagée en 2014, longeant l’église Saint-Enfant-Jésus et son magnifique presbytère, invite les passants à se rendre de la rue Notre-Dame à la promenade sur la rive du fleuve. Ce secteur est désigné d’intérêt patrimonial exceptionnel et se situe dans une zone archéologique à fort potentiel identifiée au Plan d’urbanisme de la Ville de Montréal.
Outre la Place du village, le Centre communautaire Roussin, situé à proximité du projet, est un repère dans la trame urbaine par son caractère institutionnel et a une valeur patrimoniale importante. D’autres bâtiments du secteur rappellent l’importance historique de Pointe-aux-Trembles. Pour les découvrir nous vous invitons à consulter le parcours Balado de l’Atelier d’histoire de la Pointe-aux-Trembles.
L’APMAQ encourage la revitalisation des secteurs anciens lorsque l’intégration soutient les valeurs patrimoniales du milieu d’insertion. Des composantes majeures du projet proposé par la SDA domineront le milieu d’insertion plutôt que de mettre en valeur ses qualités patrimoniales exceptionnelles. L’APMAQ croit que ces composantes devraient être corrigées dans un projet en harmonie avec le Vieux-Pointe-aux-Trembles et avec les orientations identifiées dans le PPU en révision pour le secteur.
S’intégrer dans un milieu ancien
Les édifices du noyau villageois du Vieux-Pointe-aux-Trembles comptent un à trois étages, à l’exception d’édifices communautaires et institutionnels qui ont quatre étages. Il s’agit de la limite actuellement autorisée et pour laquelle la SDA demande une modification autorisant le projet de six étages. Ce qui créera un précédent important dans le secteur.
Notons aussi que leur implantation ne prévoit pas un retrait sur rue. Un retrait permet de diminuer l’effet écrasant d’une construction de grande dimension. Par exemple, le Centre Roussin est un bâtiment de gabarit important. La partie ancienne est implantée en retrait, ce qui permet au piéton de ne pas se sentir dominé par l’édifice. Dans le projet présenté, les deux édifices prévus le long de la rue Notre-Dame ne prévoient pas un tel retrait. Cette implantation correspond certes à l’implantation des édifices actuels mais ceux-ci sont de plus petits gabarits. Le promoteur prévoit que les 2 derniers étages seront en retrait de la rue, rendus ainsi « invisibles » aux marcheurs. Cependant, en encadrant la rue Notre-Dame au nord et au sud de ces constructions de six étages, le piéton y sentira un effet canyon qui écrase les piétons.
Les effets d’une hausse importante de la densité dans un secteur en transformation et comptant des composantes patrimoniales sont nombreux, ils auront un impact à long terme et doivent être étudiés avec sérieux. Sans oublier qu’un important projet de réaménagement de la rue Notre-Dame est aussi en développement dans ce secteur. Pour encadrer la revitalisation de ce secteur, l’arrondissement, en concertation avec les citoyens, a judicieusement entamé une révision de son Programme particulier d’urbanisme.
Le 24 mai 2022, l’arrondissement présentait publiquement les orientations suivantes dans le cadre de la réflexion sur le PPU, Une vision pour les 15 ans à venir :
- Optimiser le potentiel des terrains sous-utilisés :
- Redéveloppement résidentiel et commercial distinctif pour le cœur du Village
- Densité de construction accrue sur les vastes terrains vacants afin d’attirer de nouveaux ménages;
- Intégration harmonieuse des bâtiments dans le tissu urbain et respect du patrimoine bâti et naturel;
- Potentiel de densification mixte du secteur commercial du boulevard Saint-Jean-Baptiste.
- Valoriser et protéger le patrimoine bâti et l’identité visuelle :
- Protection du tissu urbain local, du parcellaire, de l’architecture et de l’implantation
Pourquoi ces orientations ne sont-elles pas considérées pour l’intégration du projet de la SDA alors qu’elles ont été développées dans un processus démocratique ? Pourquoi ne pas attendre l’adoption du nouveau PPU pour que les projets de redéveloppement y soient conformes et, conséquemment, étudiés selon la vision des citoyens ?
Des citoyens s’opposent au projet de la SDA avec le soutien de l’APMAQ
L’APMAQ accompagne la mobilisation citoyenne contre un projet immobilier majeur qui veut s’imposer au cœur de l’ancien noyau villageois de Pointe-aux-Trembles.
Depuis le début, les instances municipales ont favorisé la réalisation de ce projet particulier de la SDA (forte densification et hauteur dérogatoire), même s’il était en porte-à-faux avec la valeur patrimoniale du lieu. À la demande de l’arrondissement, la Ville de Montréal a adopté un Règlement modifiant le plan d’urbanisme de la Ville de Montréal (Règlement 04-047-238). Une modification faite sur mesure pour accommoder les exigences de rentabilité du promoteur, le tout au détriment du caractère villageois du Vieux-Pointe-aux-Trembles. De plus, malgré une opposition citoyenne qui a conduit à l’ouverture des registres (un lundi de 9h à 19h) en vue d’un scrutin référendaire, ceux-ci n’ont pas récolté suffisamment de signatures. Le promoteur obtient ainsi toutes les autorisations souhaitées rendant acceptables ses quarante dérogations au règlement de zonage.
Nous vous invitons à prendre connaissance de l’avis du Conseil du patrimoine de Montréal et du Comité Jacques-Viger, ci-après le Comité mixte (daté du 6 mai 2022). Avis dont l’arrondissement n’a pas fait mention lors de l’assemblée de consultation publique du 28 juin sur les PP-142 et PP-143. Alors que les recommandations du Comité mixte sont absentes des sommaires décisionnels [1] portant sur ce projet. Est-ce un manque de transparence ?
C’est finalement l’APMAQ qui a retracé l’avis, à la suite d’un éditorial de Stéphanie Grammond, publié le 2 juillet dans le quotidien La Presse. Elle précisait que « le projet s’est fait servir un avis défavorable par un comité de la ville centre : trop dense à son goût ! » Un projet que l’arrondissement a rapidement adopté malgré le fait qu’il déroge aux nombreuses recommandations du Comité mixte. Bien qu’il s’agisse de comités consultatifs, on respecte habituellement l’avis du Comité mixte et ses recommandations, toutes émises en vue d’améliorer le projet.
Dans un article de l’article de Coralie Hodgson du 12 août 2022 du journal Métro, le promoteur ne reconnaît aucune controverse au projet. Dans ce même article la journaliste note que « L’Arrondissement indique que des modifications ont été intégrées au projet depuis la version originale présentée au Comité mixte. Ces modifications ont été présentées au Comité avant l’émission de l’avis en mai. » Or, les modifications apportées au projet sont dites par le Comité mixte « essentiellement d’ordre esthétique, ne faisant que réinterpréter les limites des lots de manière approximative sur la façade du bâtiment ayant front sur la rue Notre-Dame, sans souci d’authenticité. » Nuance, donc, elles ont été présentées, mais rejetées par le Comité.
Vous pouvez lire le deuxième article de Carolie Hodgson du 7 septembre 2022 toujours du journal Métro qui informe les lecteurs que RDP-PAT appuiera le projet de la SDA jusqu'au bout.
L’arrondissement en rajoute une couche en prétendant que le projet pourra encore être modifié. « Il devra notamment être soumis au Règlement sur les plans d’implantation et d’intégration architecturale (PIIA) avant son adoption finale. » Or, le processus d’évaluation par un PIIA ne porte ni sur les démolitions, ni sur la modification des hauteurs autorisées. Il s’agit d’une procédure consultative qui repose sur l’évaluation du projet par les membres du comité consultatif d’urbanisme (CCU) de l’arrondissement. « L’analyse du projet porte sur l’implantation, l’aménagement, l’architecture et le design des constructions ainsi que sur l’aménagement des terrains. Cette procédure est complémentaire à l’analyse de conformité du projet aux règlements normatifs applicables.»[2] Cette analyse est donc possible lorsque le projet est conforme au Règlement d’urbanisme. Elle sera donc possible, une fois les modifications au Règlement en vigueur adoptées. Il sera alors très difficile de s’y opposer puisque le projet s’y conformera.
L’APMAQ considère ce projet en totale rupture avec le patrimoine et le caractère villageois du Vieux-Pointe-aux-Trembles. Tout se met en place pour un scrutin référendaire sur les projets particuliers.
L’APMAQ suit ce dossier de sauvegarde avec intérêt et des mises à jour seront publiées.
Tenue de registre
Le conseil d’arrondissement de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles, lors de sa séance du 6 septembre, a adopté trois résolutions.
Les personnes habilletées à voter ayant le droit d’être inscrites sur la liste référendaire du secteur sont invitées à exercer leur droit le 26 septembre 2022, à la Maison du citoyen de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles au 12 090, rue Notre-Dame Est, entre 9h et 19h.
Autres documents connexes
[1] PP-142 — Dossier 1225909002 Recommandation (p. 93 à 104) et addenda (p. 121 à 133).
PP-143 — Dossier 1225909003 Recommandation (p. 105 à 116 et 134 à 145).
[2] Info-urbanisme, RDP-PAT