Par la direction
Comment devient-on artisan plâtrier d’ornementation?
Élevé à Sainte-Martine dans une maison datant du XIXe siècle, j’ai été mis en contact avec l’importance du patrimoine dès mon enfance. Auprès de mes parents, j’ai pris goût très tôt au travail manuel et à l’invention. J’ai d’abord été sculpteur et le suis toujours à mes heures. La matière plastique, le verre et aujourd’hui des matériaux récupérés, ont ma préférence. Investi maintenant depuis plusieurs années dans le travail du plâtre ornemental, je ne délaisse pas pour autant la sculpture puisque j’ai pris l’habitude de créer, chaque année, une fontaine de Recycl’Art. Mes fontaines sont des œuvres parfois permanentes, parfois éphémères car plusieurs de celles-ci sont destinées à des événements ponctuels.
Quelle a été votre formation?
Après ma formation universitaire en ethno-linguistique, je me suis retrouvé, pendant quelques années, guide touristique dans les pays nordiques et surtout au Moyen-Orient où, pour les besoins du métier, j’ai appris l’arabe. À mon retour, toujours actif sculpteur, c’est après un incendie chez un cousin qu’un déclic s’est opéré. Les ornements de plâtre endommagés ayant pu être remis en état, j’ai demandé à rencontrer celui qui a procédé à cette restauration. Accueilli par le vieil artisan heureux de montrer à plus jeune, je me suis familiarisé avec les techniques utilisées, c’est auprès de lui que j’ai appris le métier. Voyant là un art appliqué exceptionnel, j’ai fait un virage artistique radical.
D’où vous vient votre reconnaissance professionnelle?
Fort de l’expérience acquise au fil des ans, et déjà membre du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV) j’ai soumis ma candidature au Conseil des métiers d’art du Québec (CMAQ) qui, se fondant sur le jugement par les pairs, m’a accordé sa reconnaissance. Fidèle à l’esprit bricoleur de mon enfance, j’ai, avec le temps, apporté des modifications à l’outillage traditionnel du plâtre ornemental. Restaurer exige de s’adapter à des situations topologiques extrêmes, il faut donc un équipement qui puisse s’adapter : calibres modulaires, traîneau réutilisable, roulements, applicateurs. En 2017, un Grand Prix dans la catégorie Savoir-Faire décerné par Opération patrimoine Montréal a souligné ce travail d’exception.
Dans quels types de bâtiments exercez-vous votre métier?
Tout type de bâtiment : résidentiel, religieux, commercial, institutionnel. Le travail consiste souvent à reproduire des moulures dans des résidences qui ont subi des dommages comme des incendies ou des dégâts d’eau ou qui ont été transformées afin de les adapter à de nouveaux besoins. Il faut toujours prendre le temps de bien analyser le cas et proposer la solution qui rendra la meilleure apparence.
Qu’en est-il de la demande?
La demande en cette matière est forte car nombreux sont les propriétaires qui sont conscients de la valeur patrimoniale de leurs intérieurs et veulent les préserver et les entretenir. Rappelons qu’au tournant du XIXe et du XXe siècle toute résidence modeste ou cossue tenait à ses moulures de plâtre sans compter les immeubles religieux, institutionnels et autres. Les ornements de plâtre faisaient partie de l’air du temps. Évidemment les modes ont changé avec les années. On est passé de moulures très élaborées à des modèles toujours plus sobres. Le travail de restauration et de reconstitution exige la connaissance de cette évolution.
Comment envisagez-vous la relève?
Les jeunes s’intéressent au métier. J’en ai moi-même formé deux dont la compétence a été reconnue par le Conseil de métiers d’art du Québec et qui sont devenus mes collaborateurs. L’un d’eux est violoncelliste comme je suis sculpteur, l’autre a été formé à l’École des métiers d’art de Québec. Deux conditions sont indispensables au succès dans le métier : la sensibilité artistique et le culte du travail bien fait.
En 2017, Daniel-Jean Primeau a reçu le Grand prix, catégorie Savoir faire dans le cadre de l’opération Patrimoine Montréal pour contribution à la mise en valeur du patrimoine montréalais.
Article tiré de La Lucarne – Printemps 2019 (Vol XL, numéro 2).
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