Unique survivante d’une longue série de maisons victoriennes qui occupaient le côté est du chemin de la Côte-des-Neiges entre la rue Van Horne au sud et la voie ferrée au nord, la maison Roy abrite maintenant le Centre de pédiatrie sociale du Docteur Julien pour le quartier Côte-des-Neiges.
Construite vers 1880, bien qu’on soupçonne que certaines parties soient beaucoup plus anciennes, la maison a été acquise par M. Michel-Éric Fournelle avec l’intention de la restaurer et de la mettre à la disposition du Dr Julien.
Depuis plusieurs années, M. Fournelle louait au Centre de pédiatrie sociale des espaces dans un immeuble du voisinage. Or, il se trouve que, le rapport entre les deux parties, de nature purement commerciale qu’il était au début, s’est peu à peu transformé en un engagement social de la part du propriétaire. C’est ainsi que, souhaitant vendre son immeuble, celui-ci a voulu s’assurer que le Centre continuerait d’être bien logé. La maison Roy, à quelques minutes de marche, était à vendre. Le charme de son ancienneté, son caractère familial, son jardin privé et son accès direct à un parc municipal doté d’installations sportives lui ont semblé le cadre idéal pour une institution s’adressant à des enfants comme c’est le cas du Centre.
L’installation du Centre dans la maison ne pouvait cependant se faire sans changer le zonage de résidentiel à non-résidentiel ce qui fut obtenu à la suite de quatre longues réunions du Conseil d’arrondissement.
La maison étant considérée « d’intérêt patrimonial » par les autorités municipales, on ne pouvait en altérer l’extérieur ni même en modifier les couleurs sans une autorisation préalable. Cependant, à l’intérieur, on avait toute liberté. Au moment de son acquisition, la maison était dans un état répondant aux exigences des années 1950-60. Selon la mentalité répandue à cette époque, on s’était efforcé de camoufler son âge et certaines mises à jour avaient eu souvent pour résultat de lui faire perdre son cachet. La restauration a donc constitué en grande partie à enlever ce qui avait été ajouté pour retrouver l’apparence d’origine.
Le processus de restauration s’est engagé par le retrait de l’amiante qui constituait un empêchement majeur à l’installation d’une clinique. Puis ce fut l’isolation à l’uréthane, le remplacement du chauffage à l’huile par le gaz et la climatisation. Un investissement important a été consenti en ce qui touche la maçonnerie. Grâce à la compétence du maçon Yann Petit de Ancestro Maçonnerie, la recette adéquate du mortier a été identifiée. C’est au cours de ces travaux qu’on a découvert un âtre disparu sous un faux mur et les murs de la cuisine ont été remis à la pierre. L’évier, très ancien, constitué d’une pierre creusée et d’une ouverture pratiquée dans le mur extérieur de la maison afin d’évacuer l’eau, a été conservé.
Les murs ont été libérés de leur revêtement de « popcorn shrimp ». Les boiseries ont été décapées et traitées par l’ébéniste Marcelo Heresmann ; aucune d’entre elles n’a été sacrifiée. Toutes les pièces ont conservé leur dimension d’origine sauf dans un cas où une paroi a dû être installée pour créer deux bureaux.
Les fenêtres sont telles qu’elles étaient au moment de l’achat de la maison, c’est-à-dire contemporaines. On a cependant pris soin de retirer les carreaux qui avaient été ajoutés par des propriétaires précédents dans le but de faire ancien.
La main courante de l’escalier a été rehaussée par la base; le garde-fou de la galerie subira bientôt le même sort conformément aux règlements en vigueur.
Cette restauration devait relever un double défi: redonner à la maison son cachet d’origine tout en répondant aux exigences de sa nouvelle fonction. Selon la directrice du Centre, la psycho-éducatrice Vedrana Petrovic, les enfants ont l’impression d’entrer dans une maison familiale accueillante et chaleureuse plutôt que dans une froide clinique bien qu’ils s’y rendent pour des raisons médicales. Ils aiment l’ancienneté de la maison et l’atmosphère qui s’en dégage facilite les traitements. Le jardin qui jouxte la maison contribue à la fonction sociale puisqu’on y a aménagé un potager urbain où les enfants se familiariseront avec les légumes et les herbes.
Les anciennes propriétaires, infirmières de profession, désiraient vendre leur maison à un acheteur susceptible de la conserver et de lui donner un usage humanitaire. C’est ce que M. Fournelle souhaitait de son côté. Le hasard mais aussi les volontés individuelles ont bien fait les choses.
Article tiré de La Lucarne – Été 2019 (Vol XL, numéro 3).
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