Qui n’a pas entendu des remarques souvent insensées de gens prétendument experts touchant divers aspects reliés à la sauvegarde et la restauration de maisons anciennes? La prudence est de mise car les mythes se propagent parfois plus rapidement que la pourriture du bois! Nous tenterons donc, dans les lignes qui suivent, de déboulonner certains de ces mythes.
Les fenêtres anciennes en bon état, munies de contre-fenêtres offrent une résistance thermique équivalente à celle des meilleures fenêtres actuellement sur le marché, dont le verre et souvent les fenêtres entières doivent être remplacées après 15 ou 20 ans. Leur remplacement cause une importante perte esthétique et patrimoniale à nos maisons anciennes. On trouve de ces fenêtres anciennes en parfait état qui ont atteint plus de 100 et même plus de 150 ans. On peut alors vraiment parler de développement durable.
Note : Après des années d’entretien minimal, un travail de restauration doit souvent être entrepris, à un coût bien inférieur au remplacement: enlever les nombreuses couches de vieille peinture et le mastic effrité et repeindre à neuf, ce qui, par la suite, limitera au minimum l’entretien pour de nombreuses années. Il faut toujours peindre le bois extérieur pour le protéger des intempéries. La peinture ou la teinture opaque doivent être privilégiées pour des raisons d’authenticité et d’entretien, car les teintures et vernis ne protègent pas le bois des rayons UV et exigent un entretien très fréquent.
Rappelons que ces matériaux qualifiés « sans entretien » sont en réalité sans entretien possible. En plus de banaliser les bâtiments anciens, après 15 à 25 ans, ces matériaux qui se sont succédés sur le marché, que ce soit papier brique, masonite, carton fibre pressé, aluminium, vinyle, agrégats de faible qualité ou bardeau d’asphalte, doivent être remplacés à des coûts de plus en plus élevés. Les matériaux durables, brique, pierre, bois, tôle de métal (pour les toitures) auront une longue durée avec un entretien minimal et conserveront les qualités esthétiques du bâti ancien, sans compter l’évitement du gaspillage de matières premières. On observe des maisons de plus de cent ans qui ont conservé tous leurs matériaux originaux .
La brique, comme la pierre, offre l’avantage de ne pas nécessiter d’entretien, à l’exception du jointement après plus de 75 ou 100 ans. Pourquoi la peindre ? La peinture, dans une large majorité des cas, accélère le vieillissement d’une maçonnerie de brique car elle emprisonne l’humidité, la faisant fissurer. De plus, toute peinture se dégrade et se décolore et nécessite des travaux répétitifs d’entretien.
Note : Lorsqu’une maçonnerie de brique a dû être réparée et des briques remplacées, il peut être justifié de la repeindre afin d’uniformiser la couleur. Il faut, par contre, s’assurer d’utiliser une peinture au latex appropriée pour la maçonnerie.
Les revêtements composés d’amiante-ciment sous forme de losanges ou de rectangles, installés au cours du 20e siècle sont physiquement stables et sans danger. Leur conservation est encouragée et ils peuvent être peints. Leur présence n’affecte en rien la salubrité de la maison. L’enlèvement ou la réparation de ce type de revêtement doit se faire avec précaution. Le port d’un masque de qualité et le lavage séparé des vêtements s’imposent. Ce même argument est parfois utilisé à l’égard des panneaux de plafond suspendu ou des tuiles de plancher contenant de l’amiante, lesquels doivent être enlevés avec précaution, en évitant de les briser pour éviter que se libèrent les fibres d’amiante.
Cet argument est utilisé fréquemment par des promoteurs, des propriétaires et souvent même des municipalités pour justifier la démolition de maisons anciennes. Dans la très large majorité des cas, c’est pure foutaise. Les seuls cas très rares mais préoccupants sont les bâtiments affectés par la mérule pleureuse. Autrement, il peut y avoir dans les sous-sols une humidité favorisant le développement de spores où une ventilation et un chauffage minimum règleront le problème. Il y a également les cas d’infiltration d’eau par la toiture ou de fuites d’eau du réseau de plomberie qui contaminent des composantes du bâtiment; dans ces cas, la réparation des éléments à l’origine des problèmes et le remplacement des composantes détériorées seront la solution.
Lors de la construction de ces maisons anciennes, la pierre, la brique ou les pièces de bois étaient couvertes de plâtre et/ou de planches de bois posées à la verticale. Cependant, le manque de ressources financières pouvait retarder la pose du plâtre ou des planches. De nos jours, il s’agit d’un choix personnel. Les considérations liées au coût de chauffage (à l’exception des maisons en rangée en milieu urbain) et à l’authenticité militent en faveur de la conservation ou de la remise en place des revêtements existants sur les murs après avoir réalisé des travaux d’isolation.
Les planchers ou plafonds de maisons anciennes présentent à l’occasion de légères déformations. Des entrepreneurs et architectes, surtout dans le cas de bâtiments publics, suggéreront de refaire les planchers à grands frais sans que ce soit réellement justifié. A moins de déformations importantes, tenter de rétablir une parfaite horizontalité peut s’avérer impossible et parfois très coûteux. Le problème provient souvent du support central des poutres d’un plancher qui s’est enfoncé; on peut alors tenter de rétablir la position initiale du plancher, de quelques millimètres à la fois, sur une longue période, à l’aide de vérins. On peut cependant vivre dans une maison ancienne un peu déformée sans que cela cause de problèmes.
Des bâtiments anciens, s’ils bénéficient d’une toiture étanche, ont souvent été remis en état après une dizaine d’années ou plus d’abandon. Les fortes structures de bois ou de pierre associées à l’absence d’isolant thermique les protègent contre les excès d’humidité causant la pourriture. Il est évidemment préférable de réhabiliter les bâtiments avant qu’il soient abandonnés et se détériorent mais ce n’est pas nécessairement une raison valable pour les démolir.
Il y a des cas trop fréquents où des entrepreneurs en construction mal avisés recommandent à des propriétaires de démolir de solides maisons et de reconstruire à neuf plutôt que d’en rénover l’intérieur, par exemple. Ces entreprises conseillent fréquemment de remplacer inutilement les fenêtres de bois en bon état, les galeries, etc. C’est une solution indéfendable et l’avantage économique concerne alors davantage …l’entrepreneur que le propriétaire. On a tous observé des cas de solides maisons construites de matériaux nobles remplacées par de nouvelles maisons couvertes de vinyle et de bardeau d’asphalte. La restauration d’une maison est plus exigeante en main d’œuvre mais moins coûteuse en matériaux. C’est une solution économique avantageuse sans compter que ce geste s’inscrit dans l’objectif de développement durable.
Voilà le dernier argument utilisé par des propriétaires, promoteurs ou élus municipaux qui désirent démolir une maison ancienne sans raison valable. Toute maison ancienne qui a conservé des éléments qui la caractérisent tels le volume, les matériaux de revêtement, les détails architecturaux, la fenestration, etc., est un immeuble patrimonial. L’originalité ou la richesse architecturale et la valeur historique du bâtiment contribuent à lui attribuer une valeur particulière. On a vu récemment le cas de promoteurs qui, par ignorance ou intérêt, affirment tout haut que les bâtiments anciens qu’ils désirent démolir ne sont pas patrimoniaux même si les spécialistes en ont déjà clairement établi la valeur.
La meilleure pratique pour la conservation des maisons anciennes est l’entretien préventif régulier par les retouches de la peinture, le jointement des murailles de brique ou de pierre, la vérification de la toiture. Ces interventions éviteront des travaux majeurs et coûteux qui amèneront le remplacement des matériaux d’origine.
Article tiré de La Lucarne – Été 2019 (Vol XL, numéro 3).
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