Habituellement, les ouvertures de nos maisons anciennes sont disposées avec une volonté d’esthétisme et d’équilibre. Il est donc normal que la porte-lucarne, de la maison Hormidas-Lauriault (1905), soit centrée par rapport au toit mansarde. Toutefois, la ligne de brisis au niveau du toit est décalée par l’ajout d’une fenêtre à battants se démarquant par son alignement avec la paroi autour de la porte du balcon. Elle est protégée par une contre-fenêtre en aluminium qui remonte, selon nous, entre les années 1983 et 1994. La transformation du toit occasionne l’accumulation de neige et de glace devant la fenêtre. De fait, l’eau de fonte se trouve piégée dans un faux plat et s’infiltre subtilement sous le revêtement métallique de la toiture. De ce fait, on constate l’apparition de signes de pourriture sur le lambris du plafond de la galerie.
Au début, nous croyions que la fenêtre résolvait une problématique d’éclairage naturel, à l’étage. Son orientation nord-ouest peut justifier ce raisonnement puisque la fenêtre aboutit à l’extrémité d’un long corridor. Par contre, elle est située près d’un large palier d’escalier qui profite de l’ensoleillement d’un grand vitrail orienté plein sud et, considérant que l’électrification de la maison remonte à 1912, il aurait suffit d’ajouter un plafonnier pour corriger un manque de luminescence. Pourtant, on a préféré ouvrir le mur de plâtre au travers des combles comme le prouve un indice au pied de la fenêtre. En effet, le plancher est maintenant recouvert de lattes de bois franc à cet endroit alors qu’une planche bouvetée en pruche est la norme à cet étage.
Nous obtenons de précieuses photos de la famille Benoît (propriétaire entre 1918 et 1944) qui nous fournissent un éclairage insoupçonné sur l’histoire de cette fenêtre par rapport à l’hypothèse initiale d’un simple besoin de luminosité. Une révélation inattendue, celle de la pratique religieuse de cette famille catholique. En effet, ils participent à la procession de la Fête-Dieu en l’honneur du Saint-Sacrement en décorant leur demeure bourgeoise, avec conviction, pour accueillir un reposoir. On étend un long tapis protocolaire, installe un autel devant l’entrée de la maison et fixe d’élégants voiles en tissu de chaque côté des marches de la galerie. Un système d’amplification du son avec haut-parleurs permet de propager les paroles liturgiques. Les fidèles sont nombreux et s’agenouillent en ce lieu solennel pour célébrer leur foi sous le regard bienveillant d’une statue de la Vierge. Cette icône est mise en évidence, en hauteur, dans l’axe de l’allée face à la fenêtre à battants qui sert d’alcôve. Une photo montre l’apparition d’une petite lucarne pouvant accommoder la statue. La frêle installation a dû subir l’injure du poids de la glace puisqu’elle ressuscite sous la forme définitive de la fenêtre-lucarne. En conclusion, c’est une statue de plâtre qui vient sanctionner le sacrifice du vocabulaire architectural de la maison. Cette relique est précieusement conservée au sein de la famille Benoît.
Fort de ces éclaircissements, la décision est prise de profiter des travaux de restauration de la toiture pour aligner la ligne de brisis de chaque côté de la porte-lucarne. La démolition du bâti autour de la fenêtre dévoile les traces de la charpente du toit sur le clin des murs. La pente du toit au-dessus de la galerie est revue pour évacuer la neige et l’eau de pluie sans créer de restriction. Il reste la balustrade du balcon à restaurer pour compléter le tableau.
À l’intérieur, l’espace libéré sous les combles est converti en une armoire encastrée. La fenêtre à battants et sa crémone sont récupérées pour cloîtrer la vitrine. L’intégration est complétée en ajoutant des moulures en bois adaptées au style de celles de la maison. Un geste visant à meubler dans le corps et l’âme de la demeure, un souvenir de cette ouverture mystique.
Article tiré de La Lucarne – Automne 2019 (Vol XL, numéro 4).
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