Les loggies de Morin-Heights

25 octobre 2019

Les « loggies » de Morin-Heights
Michelle Prévost

C’est ainsi que la communauté de Morin Heights, à majorité anglophone, décrit avec attachement ces maisons carrées construites en rondins de bois. On en compte au moins une soixantaine dans le secteur.

Leur origine remonte aux années 1930 alors que 3 500 artisans, sous la supervision du maître d’œuvre finlandais Victor Nymark, terminaient le Château Montebello construit en seulement quatre mois. Toujours la plus grande structure de rondins au monde, Montebello a lancé une tendance dans les Basses-Laurentides pour ce style unique de maisons en rondins teints foncés avec des détails d’angle uniques et des avant-toits profonds.

Victor Nymark a d’ailleurs construit de nombreuses maisons carrées après l’achèvement de Montebello, entre autres, la chaleureuse église Saint-François-des-oiseaux à Saint-Sauveur-des- Monts.

À Morin-Heights, George Binns entreprend dans les années ‘30 la construction de ces maisons carrées pouvant servir de chalets d’été rudimentaires à une clientèle montréalaise. Financé par Joe Seale, propriétaire local du moulin à bois et du magasin général, Binns a construit ces maisons carrées dans plusieurs secteurs de Morin-Heights en utilisant comme matière première les arbres abattus à la hache sur le site même du futur chalet.

Bien qu’il y ait unité de style et de matériaux dans la construction de ces maisons carrées, elles ne donnent jamais l’impression d’un développement dû à la grande variété topographique de la région. Dans les années ‘30, la région foisonnait de pin blanc, d’épinette et de bois de balsa d’environ 10 à 12 pouces de diamètre et 20 pieds de hauteur. Ceci délimitait dès lors la taille moyenne du cube de la maison carrée, soit 20‘ x 20’ ; chaque chalet étant une série de cubes bâtis sur pilotis et assemblés selon le dictat de chaque propriétaire.

Les billots bouvetés et évidés sur toute leur longueur étaient assemblés les uns par-dessus les autres sans avoir à y ajouter de clous. Les fils électriques étaient placés dans ces cavités. Entre chaque billot, on appliquait de l’étoupe goudronnée comme joint d’étanchéité. Les coins du carré étaient façonnés main pour les rendre autobloquants. Ce type de construction auquel aucun isolant n’est ajouté, même de nos jours, atteignait déjà à l’époque un facteur énergétique de R-20. Les billots étaient ensuite peints à l’extérieur avec une couleur à base d’huile de noix brun très foncé et à l’intérieur avec des couches successives de vernis ou d’huile de lin.

La plupart des cheminées en pierre des ‘loggies’ de Morin Heights ont été construites par le maçon et ébéniste Walter Darod à qui on doit également de nombreux exemples d’ornementations sculptées dans les arches d’entrée en bois, les portes ou les tabliers de ces cheminées.

Un autre élément décoratif important s’ajoute à ces ‘loggies’; le travail du peintre dessinateur Helmut Gransow. Originaire de Suisse, celui-ci importe son savoir-faire en ornant portes, plafonds et volets de motifs géométriques très colorés pour donner un caractère particulier soit à l’intérieur, soit à l’extérieur de ces maisons carrées.

La plupart ayant été bâties avant les années ‘30 et début ‘40, chaque « loggie » ou maison carrée a maintenant une personnalité distincte façonnée par plusieurs générations de propriétaires. Chacune présente un nombre variable d’ajouts et de rénovations telles que fondations de béton, chauffage central, solariums, vérandas ouvertes, cabanon de jardin, étages additionnels et même des ailes complètes qui sont parfois plus grandes que la maison d’origine. Au total, on y retrace près de 80 ans de vie familiale dans ce secteur des Laurentides reconnu pour la qualité de son air pur et les plaisirs qu’offrent ses montagnes et ses lacs en toute saison.

Depuis plus de 60 ans, une association dynamique de propriétaires fait la promotion de ce remarquable patrimoine bâti et encourage les propriétaires à restaurer et conserver ces maisons carrées.

De fiers artisans de Morin Heights, fils, neveux et cousins de ces premiers bâtisseurs, entourés d’autres membres de la communauté se transmettent ainsi, de génération en génération, les techniques propres à la conservation de ce patrimoine canadien identitaire et unique.

Références : Mme Sandra Stock, historienne, Morin Heights Historical Society et M. André Julien, auteur « La maison en bois rond ».


Article tiré de La Lucarne – Automne 2019 (Vol XL, numéro 4).

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