Entrevue avec Mathieu Patoine, artisan sculpteur-ébéniste

25 octobre 2019

ENTREVUE AVEC MATHIEU PATOINE,
ARTISAN SCULPTEUR-ÉBÉNISTE
La rédaction

Mathieu PatoineComment êtes-vous devenu sculpteur-ébéniste et quelle a été votre formation?

Dès l’adolescence, j’ai eu accès de façon très informelle à des leçons en dessin qui m’ont permis de m’initier à différents genres comme la nature morte et le portrait. Plus tard, je me suis inscrit à l’École du meuble de Montréal où j’ai découvert la sculpture. Au sortir de l’École, je me suis mis à la recherche d’une entreprise de fabrication ou de restauration de meubles ayant besoin d’un sculpteur. C’est auprès de l’entreprise Kalanik spécialisée en reproduction de meubles anciens québécois que j’ai trouvé mon premier emploi significatif. Mon intérêt pour la sculpture s’est développé en lisant des ouvrages comme celui de Jean Palardy. C’est ensuite, vraiment d’une façon autodidacte, en m’intéressant à des ouvrages européens que j’ai peaufiné mon métier.

De 1993 à 1999, j’ai poursuivi mon travail auprès de Kalanik à la suite de quoi j’ai enseigné à l’École-Atelier d’ébénisterie de Saint-Jérôme, école privée à l’époque, tout en devenant travailleur autonome.

Vers 2010, j’ai senti le besoin de pousser plus loin mes limites et, mon intérêt pour le meuble européen traditionnel s’étant accru, j’ai sollicité une bourse de perfectionnement du Conseil des Arts et des lettres du Québec en vue d’un séjour d’un mois à Paris. Un mois, c’est court, mais cette expérience, auprès d’un détenteur du titre de meilleur ouvrier de France en sculpture ornementale, m’a beaucoup appris. M. Vincent Mouchez a été un maître exceptionnel et généreux, et j’en aurais pris encore davantage.

Je me suis ainsi familiarisé avec l’institution française des Compagnons du devoir dont faisait partie mon formateur et qui m’intéressait depuis longtemps.

Je suis très reconnaissant au Conseil des Arts et des lettres pour ce privilège.

Parlement de QuébecD’où vous vient votre reconnaissance professionnelle?

En 2006, sur présentation de mon dossier au Conseil des métiers d’art du Québec et suite au jugement par les pairs, j’ai obtenu mon accréditation professionnelle comme artisan ébéniste-sculpteur.

Quel type de travail a votre préférence?

Tout travail qui requiert une habileté en sculpture, en restauration et en conservation, en production d’éléments d’architecture ornementale, en fabrication de meuble de style classique ou contemporain m’intéresse. Il peut s’agir de meubles, que ceux-ci soient autonomes ou intégrés à l’architecture, d’escaliers courbes, de mains courantes, de limons, de frontons ou autres.

J’ai travaillé à la reproduction de deux portes de l’Assemblée nationale de 2008 à 2010 et également sur des orgues car il existe encore des orgues sculptés un peu partout dans le monde. C’est ainsi que le Petit séminaire de Québec a entrepris de reconstituer l’orgue de sa chapelle qui avait été brûlé lors de la Conquête de 1759. L’instrument a été redessiné à partir des archives et réalisé par le facteur d’orgue Juget-Sinclair. Ce fut un des projets effectués dans le cadre de la célébration du 400e anniversaire de la ville de Québec. Cette chapelle et son orgue sont maintenant intégrés au Musée de l’Amérique française. J’ai travaillé en 2017-2018 à un orgue Casavant qui a été commandé par la cathédrale de Macao; ce fut pour moi un engagement d’une durée de cinq ou six mois.

L’identification des essences de bois et, dans le cas du meuble ancien, la recherche en vue de respecter l’esprit de l’époque sont particulièrement stimulantes. En somme, toute restauration de meubles anciens ou récents suscite mon intérêt.

Orgue RichardQu’en est-il de la demande pour vos services?

La demande fluctue selon le moment. L’artisan qui travaille de façon autonome doit faire sa propre publicité. Les médias sociaux et Instagram sont les moyens de notre époque. Mais le bon vieux bouche à oreille, quand on fait un travail, le plus possible irréprochable, fonctionne pour moi depuis le début en 1999.

Qu’en est-il de la relève?

Je ne suis pas en mesure d’évaluer le degré d’intérêt général de la jeunesse pour mon métier mais des jeunes, à la recherche de stages, font appel à moi et je recevrai, en septembre, une artisane française pour un séjour d’une semaine. Ma connaissance du milieu de l’enseignement m’indique cependant que les jeunes, dans les écoles, ont le goût de la création par opposition au travail routinier.


Article tiré de La Lucarne – Automne 2019 (Vol XL, numéro 4).

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