Un chemin parsemé d’embûches pour les municipalités, mais incontournable dans la protection du patrimoine bâti
La Ville de Beloeil, située dans la Vallée-du-Richelieu en Montérégie et comptant environ 25 000 habitants, a adopté en décembre 2022 un règlement visant à protéger son patrimoine bâti. Ce règlement cite 15 immeubles situés sur le territoire de la Ville en tant que biens patrimoniaux en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel. Cette décision se fonde sur la Loi 69 qui oblige les villes à prendre des mesures pour préserver leur patrimoine bâti.
Ce règlement permet à la Ville de travailler en amont afin d’éviter les détériorations et d’accompagner financièrement les propriétaires dans l’entretien de leur immeuble. Le règlement prévoit certaines conditions que les propriétaires doivent respecter avant l’obtention d’un permis de construction ou d’un certificat d’autorisation. Il limite également le droit de démolir totalement ou partiellement ces immeubles et prévoit des amendes en cas de non-respect de ces dispositions.
Beloeil a également adhéré au volet « Restauration du patrimoine immobilier de propriété privée » du Programme de soutien au milieu municipal en patrimoine immobilier de la MRC1 de la Vallée-du-Richelieu (MRCVR) ; ce volet vise à soutenir les propriétaires d’immeubles dans la préservation de leur patrimoine. Ce programme d’aide financière géré par la MRCVR prévoit une enveloppe budgétaire partagée entre la Ville et le ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ). Il vise à aider les propriétaires d’immeubles patrimoniaux désireux de mener à terme des interventions de préservation et de restauration. Les propriétaires des immeubles cités sont accompagnés tout au long du processus ; cette aide financière peut couvrir de 60 % à 75 % des coûts engendrés par les travaux de restauration.
1. Municipalité régionale de comté
Le Conseil municipal de Beloeil a connu quelques obstacles dans la mise en place du règlement de citation. Le projet visait à permettre la citation de 55 immeubles sur le territoire, mais au final, le règlement n’en comporte que quinze (15).
La mise en place d’un tel règlement impliquait plusieurs étapes. D’abord, il a été nécessaire d’identifier les immeubles. Tous les immeubles identifiés ont été jugés d’une grande valeur patrimoniale, soit « forte », « supérieure » ou « exceptionnelle » selon l’inventaire du patrimoine bâti de la MRCVR mis à jour en 2022 par la Ville.
Une fois les immeubles identifiés, la Ville a entamé l’élaboration du règlement de citation en s’inspirant du Règlement relatif à la citation des biens et immeubles patrimoniaux de la Ville de Terrebonne. En utilisant cette référence et en tirant parti de l’expérience de Terrebonne, Beloeil a réussi à mettre en place un cadre réglementaire adapté et efficace répondant à ses propres besoins.
En juillet 2022, la Ville a informé les propriétaires des immeubles en question de son intention de citer leurs immeubles en tant que biens patrimoniaux. Elle les a également informés de l’existence d’un programme d’aide financière géré par la MRCVR.
La Ville a organisé une séance publique d’information le 14 septembre 2022 afin de présenter le projet de règlement et de permettre aux citoyens de s’exprimer à ce propos. Les propriétaires ont manifesté leur frustration quant au manque de consultation de la Ville dans ce processus. Ils ont également fait état de leurs inquiétudes quant aux coûts élevés des travaux de rénovation et d’entretien imposés par le règlement ainsi que leur crainte d’être expropriés. Certains ont également jugé insuffisante l’enveloppe de 200 000 $ visant à payer une partie des travaux. Enfin, ils ont exprimé leurs préoccupations quant à l’impact potentiel du projet de règlement sur la valeur marchande et l’assurabilité de leur propriété.
La Ville a pris en compte les préoccupations exprimées par les propriétaires. Elle a reconnu que la citation pouvait potentiellement affecter la valeur marchande d’une propriété, mais elle a souligné que le caractère patrimonial d’un immeuble était également un atout auprès de certains acheteurs. La Ville a continué de travailler auprès des compagnies d’assurance afin de clarifier la situation et faire en sorte que les propriétaires ne soient pas désavantagés quant à l’assurabilité de leur maison.
Elle a également admis que l’enveloppe de 200 000 $ ne suffirait pas nécessairement à couvrir tous les coûts de rénovation et de maintenance tout en soulignant que celle-ci pourrait être bonifiée et que d’autres programmes de subvention pourraient être offerts aux propriétaires.
Malgré une séance d’information supplémentaire organisée par la Ville, le 19 octobre 2022, et des rencontres individuelles avec les propriétaires, certains d’entre eux sont demeurés réticents à accepter le règlement qui désignerait leur immeuble comme un bien patrimonial.
La Ville a tenu compte des préoccupations de certains d’entre eux et a permis à ceux qui le souhaitaient de retirer leur immeuble de la liste alors que cela n’était pas prévu. Le règlement adopté en séance ordinaire du conseil du 12 décembre comprend la citation de 15 immeubles, au lieu des 55 bâtiments visés au départ.
Depuis l’adoption du règlement de citation, la Ville continue d’agir en vue de la protection de son patrimoine bâti. Tenant compte des inquiétudes des propriétaires quant à l’assurabilité de leur immeuble, la Ville leur a fourni un projet de lettre à l’attention de leur assureur. Cette démarche visait à répondre aux appréhensions des assureurs et des propriétaires quant à l’avenir, étant donné leur nouveau statut.
En outre, la Ville a mis sur pied un nouveau programme d’aide technique concernant les immeubles patrimoniaux cités. Ce programme offre aux propriétaires un accès à des services professionnels spécialisés en patrimoine pour les aider à prendre des décisions éclairées en matière de conservation et de restauration, c’est-à-dire en préservant l’intégrité architecturale et historique des immeubles.
Afin de garantir que les demandes relatives au patrimoine soient examinées de manière efficace, la Ville a créé un conseil local du patrimoine distinct plutôt que de recourir au comité consultatif d’urbanisme (CCU). Ce nouveau conseil sera ainsi composé de membres mieux qualifiés pour examiner les demandes relatives au patrimoine et les décisions seront prises en toute connaissance de cause. Ainsi, en plus d’élus et d’employés, le conseil local du patrimoine compte un représentant de la Société d’histoire et de généalogie Beloeil–Mont-Saint-Hilaire ainsi que deux citoyens engagés dans la protection du patrimoine bâti à Beloeil, dont un propriétaire de maison citée.
De plus, après analyse des soldes des budgets, la Ville a constaté que l’enveloppe actuelle de 200 000 $ du Programme d’aide à la restauration patrimoniale de la MRCVR suffisait à répondre aux demandes en cours. Par conséquent, il n’a pas été nécessaire de la bonifier pour le moment.
Enfin, le Conseil municipal de la Ville a adopté une résolution pour appuyer la demande d’aide financière de la Paroisse Trinité-sur-Richelieu dans le cadre du Programme visant la protection, la transmission et la mise en valeur du patrimoine culturel à caractère religieux du Conseil du patrimoine religieux du Québec pour la restauration de l’Église Saint-Matthieu, située au coeur du Vieux-Beloeil.
Face aux problématiques en matière d’assurabilité des immeubles patrimoniaux, le conseil municipal a également adopté une résolution demandant au gouvernement du Québec d’intervenir dans les plus brefs délais afin de mettre un terme aux actions des assureurs qui compromettent celles en lien avec les nouvelles orientations du gouvernement et des municipalités pour la mise en place d’outils d’identification et de gestion de ce patrimoine.
Avec cette démarche, la Ville s’engage ainsi à soutenir les propriétaires d’immeubles patrimoniaux cités, en leur offrant un accompagnement professionnel et en veillant à ce que les fonds nécessaires soient disponibles. Cette initiative forte vise à encourager la conservation et la restauration de ces joyaux architecturaux pour les générations futures.
Article tiré de La Lucarne – Été 2023 (Vol XLIV, numéro 3).
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