Au début du 20e siècle, le professeur d’origine écossaise, Ramsay Traquair devient le nouveau titulaire de la Chaire d’architecture de l’université McGill. Inspiré par le mouvement Arts and Crafts, il s’intéresse dès son arrivée à l’architecture de la Nouvelle-France et entreprend de la documenter et de l’inventorier afin qu’elle serve de source d’inspiration aux futurs architectes. C’est dans ce cadre que le photographe Edgar Gariépy sillonne les campagnes. Dans la région montréalaise, il immortalise en grand nombre des maisons de ferme en pierre qui possèdent des caractéristiques communes. Il s’agit d’une maison dont les murs pignons sont découverts et forment un exhaussement qui se prolonge au-dessus du toit. Cet exhaussement s’appuie sur des corbeaux ou consoles qui constituent autant des éléments structuraux que décoratifs puisqu’ils sont composés d’un assemblage de plusieurs pierres taillées placées les unes sur les autres. De plus, chacun des murs pignons découverts est chapeauté par une imposante cheminée double (ill. 1, 4, 5 et 7) composée d’une cheminée fonctionnelle et d’une autre décorative (ill. 6). Ces cheminées fonctionnelles sur chaque mur pignon sont disposées en chicane de part et d’autre du faîte. Selon le professeur Ramsay Traquair, cette maison rurale en isolé est inspirée de la maison de ville montréalaise et il l’identifie comme étant The Urban Type of Montreal. (Traquair, The Old Architecture of Quebec, p. 68).
Plus récemment, on a désigné ce type de construction comme étant une maison à mur coupe-feu (Communauté urbaine de Montréal. Architecture rurale, 1986), mais en l’observant on constate que, généralement, les murs pignons de cette maison de pierres sont percés de plusieurs ouvertures (porte et fenêtres). Mais que sont des murs coupe-feu ? Les murs coupe-feu sont d’épais murs de pierre qui s’élèvent au-dessus des toits des maisons mitoyennes en zone urbaine densément construite. Ils sont aveugles, c’est-à-dire sans ouverture (ill. 2), et ce, afin de servir essentiellement à limiter voire même à empêcher la propagation d’un incendie d’une maison à l’autre. À Montréal, c’est à la suite d’un incendie qui a détruit une partie de la ville en 1724 que des règlements obligent les propriétaires de la ville fortifiée à construire en maçonnerie, ce qui inclut les murs coupe-feu mitoyens. En quoi les murs pignons découverts de cette maison rurale peuvent-ils faire office de murs coupe-feu ? Contrairement à la maison de ville, les murs pignons de cette maison rurale avec sa porte et ses fenêtres ne peuvent servir à réduire la propagation d’incendie d’autant plus que cette maison est construite en isolé ! Afin d’être plus près de l’esprit de cette construction monumentale très populaire dans les campagnes de la région métropolitaine, elle sera ici plutôt désignée comme étant une maison à murs pignons découverts. Sauf quelques exceptions, la plupart ont été construites durant la première moitié du 19e siècle.
Même si elle se retrouve dans les régions de Trois-Rivières et de Québec, c’est dans la région métropolitaine qu’elle prolifère le plus, soit sur l’île de Montréal même en particulier dans l’Ouest, sur l’île Bizard ou encore sur les rives Nord et Sud. Au-delà de sa caractéristique de murs pignons découverts, ce type de maison rurale ou villageoise s’est forgé une identité propre, se distinguant de sa copine citadine. Contrairement à cette dernière, elle est isolée et donc visible sur tous les côtés, laissant à la vue ses impressionnants murs pignons percés d’ouvertures et coiffés de cheminées doubles qui, par leurs deux cheminées décoratives, équilibrent le mur pignon. La seule justification plausible pour expliquer ce type de cheminée en est une d’esthétisme qui serait basée sur la symétrie. Ce type de cheminée constitue le caractère le plus distinctif et intriguant, puisqu’en ville les cheminées sont toutes fonctionnelles et donc ne sont pas nécessairement symétriques. Quant aux autres caractéristiques, elles peuvent être sujettes à des différences régionales, voire même individuelles.
Dans la région montréalaise, elle est la plupart du temps une maison d’un étage plus les combles, une petite fenêtre est percée au sommet du mur pignon entre les deux cheminées (ill. 4, 5 et 7), une pierre de date au-dessus de la porte d’entrée indique l’année de la construction, une pierre d’évier indique l’emplacement de la cuisine (ill. 8), une cave profonde éclairée par de grands soupiraux permet d’entreposer des légumes ou le bois pour l’hiver, une façade symétrique lorsque les ouvertures (porte et fenêtres) sont en nombre impair, ainsi qu’une toiture, généralement sans lucarne, qui à l’origine se prolonge peu au-dessus des murs avant et arrière. Plusieurs de ces éléments contribuent à donner à cette maison à murs pignons découverts un caractère monumental qui symbolise la prospérité financière, réelle ou apparente, du propriétaire.
Sur l’île de Montréal, il reste six maisons de ce type toujours identifiables. Une étude plus approfondie a permis de découvrir que plusieurs autres de ces maisons ont subi des transformations majeures qui les rendent méconnaissables à la suite de la disparition des murs pignons découverts. D’autres ont tout simplement été démolies, ne permettant pas d’entrevoir l’importance de ce mode de construction majeur qui a marqué le paysage rural ancien dans la première moitié du 19e siècle.
Dans le prochain numéro, on pourra découvrir les différents indices qui permettent d’identifier une maison à murs pignons découverts.
Article tiré de La Lucarne – Printemps 2020 (Vol XLI, numéro 2).
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