Brique et mortier : la mémoire de l’habitation ouvrière

5 avril 2023

Marc-Olivier Vézina, Doctorant en études urbaines - Université du Québec à Montréal
Jeune chercheur associé à la Chaire de Recherche du Canada en patrimoine urbain

Le patrimoine industriel montréalais

La préservation du patrimoine industriel contribue souvent à la création d’un sentiment d’appartenance et d’identité chez les résidents et peut aider à renforcer le caractère unique et distinctif de la ville. Elle est importante pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ces bâtiments peuvent être réutilisés pour abriter de nouveaux usages tels que des espaces de travail, des espaces d’exposition ou des espaces de vie, contribuant ainsi à la revitalisation de quartiers urbains en déclin. Ensuite, la préservation du patrimoine industriel peut attirer des visiteurs et des touristes intéressés par l’histoire et par la culture de la ville, contribuant ainsi à l’économie locale.

Le patrimoine industriel de Montréal est riche et varié, allant des anciennes usines textiles aux anciennes usines de chaussures, en passant par les brasseries, les scieries, les usines de meubles et les installations portuaires. Ces bâtiments représentent un témoignage tangible de l’histoire industrielle de la ville et sont un rappel des conditions de travail difficiles des travailleurs de l’époque.



L’habitat ouvrier montréalais

L’habitat ouvrier montréalais désigne les quartiers résidentiels de Montréal qui ont été construits pour loger les travailleurs industriels au XIXe et au début du XXe siècle. Une habitation ouvrière typique montréalaise est généralement une petite maison ou un appartement. Elle est souvent construite en rangées pour maximiser l’utilisation de l’espace. Construite près des usines et des zones industrielles afin de permettre aux travailleurs de se rendre rapidement et facilement au travail, elle est généralement caractérisée par des conditions de vie précaires et est associée à l’immigration, car de nombreux immigrants y ont trouvé un logement abordable à proximité de leur lieu de travail. Située dans des quartiers densément peuplés, elle offre peu d’espace vert ou de commodités. Regroupée en maisons mitoyennes ou en rangée, elle a souvent une cour arrière qui peut être aménagée en jardin ou comme espace de rangement supplémentaire (ou encore servir d’habitation de fond de cour).

Ces maisons ont généralement un plan simple avec une cuisine, une salle à manger et un salon au rez-de-chaussée, et des chambres à l’étage. Les pièces sont relativement petites. Les conditions de vie dans ces maisons ouvrières étaient souvent modestes, avec des espaces de vie exigus et peu de commodités. Elles sont généralement construites en briques rouges, avec des fenêtres relativement petites pour minimiser les coûts de chauffage. Elles comportent souvent des caractéristiques architecturales communes telles que des escaliers extérieurs menant à la porte d’entrée, des fenêtres à guillotine et des plafonds hauts, une façade étroite et une hauteur de deux ou trois étages. Les maisons ouvrières montréalaises sont un témoignage important de l’histoire industrielle de la ville et sont maintenant souvent considérées comme faisant partie du patrimoine culturel et architectural de Montréal.

Le plex montréalais, quant à lui, est un type de bâtiment à plusieurs logements composés de deux, trois ou quatre unités résidentielles distinctes. Chaque unité a son propre accès et ses propres commodités telles qu’une cuisine et une salle de bain. Les plex sont souvent construits en briques, en pierre ou en béton, et peuvent être dotés d’un balcon ou d’une terrasse. La principale différence entre l’habitation ouvrière et le plex est que la première est une unité résidentielle unifamiliale, tandis que le second est un immeuble à plusieurs logements. En résumé, la maison ouvrière montréalaise est un type de maison unifamiliale historique destinée aux travailleurs de l’industrie, tandis que le plex montréalais est un type d’immeuble à plusieurs logements doté d’unités résidentielles autonomes.

En préservant et en rénovant les maisons ouvrières, les communautés urbaines de Montréal peuvent contribuer à préserver leur histoire et leur identité culturelles. De plus, la rénovation des maisons ouvrières peut contribuer à la revitalisation des quartiers urbains en déclin en y attirant de nouveaux résidents et en renforçant le tissu social et économique de la communauté. La maison ouvrière est importante dans l’écosystème urbain montréalais car elle est un témoignage tangible de l’histoire et de l’évolution de la ville et de ses communautés. Le Plateau-Mont-Royal, Hochelaga-Maisonneuve et Pointe-Saint-Charles sont autant d’exemples de quartiers ouvriers montréalais.

Si de nombreux quartiers autrefois ouvriers ont subi des transformations importantes, de nombreuses maisons ouvrières ont été préservées comme éléments marquants du patrimoine architectural et culturel de Montréal, notamment dans le quartier de Pointe-Saint-Charles. Cependant, de nombreuses maisons ouvrières ont également été démolies ou modifiées au fil des ans en raison de l’embourgeoisement, de la modernisation et des pressions économiques.

Pointe-Saint-Charles

Le quartier est caractérisé par une grande diversité culturelle ; sa population reflète les vagues d’immigration qui ont façonné l’histoire de Montréal. On y trouve des communautés anglophones, francophones et immigrantes de diverses origines, notamment des communautés d’Europe de l’Est, d’Asie et d’Amérique latine.

Pointe-Saint-Charles est également connu pour sa proximité avec le centre-ville de Montréal, ainsi que pour ses nombreux espaces verts, notamment le parc Saint-Gabriel et le parc du Canal-de-Lachine. Le canal de Lachine lui-même est également une attraction populaire, offrant des sentiers de randonnée et de vélo le long de ses berges.

Le patrimoine de Pointe-Saint-Charles se distingue du reste de la ville de Montréal de plusieurs façons. Tout d’abord, ce quartier est l’un des plus anciens de Montréal, avec une histoire remontant à la fin du XVIIe siècle. On y trouve des exemples d’architecture vernaculaire tels que les maisons ouvrières en rangée, ainsi que des exemples d’architecture industrielle tels que les usines et les entrepôts. En outre, le patrimoine de Pointe-Saint-Charles est intimement lié à l’histoire de l’industrialisation de Montréal, avec des bâtiments historiques témoignant de l’importance de ce quartier en tant que centre industriel. Le canal de Lachine qui traverse le quartier, était un axe important de transport pour les marchandises et les matériaux, contribuant à la croissance économique de Montréal.

Enfin, le patrimoine de Pointe-Saint-Charles est marqué par son histoire sociale, avec une forte tradition de militantisme ouvrier et communautaire. Les résidents de Pointe-Saint-Charles ont souvent été engagés dans des luttes pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, ainsi que dans des luttes pour la préservation de leur patrimoine culturel et architectural.

L’embourgeoisement

L’embourgeoisement peut avoir un impact significatif sur le patrimoine d’un quartier en particulier sur son patrimoine bâti et culturel. Il se réfère à un processus par lequel un quartier, autrefois délaissé et souvent associé à la classe ouvrière, est réhabilité et transformé en un quartier plus prisé et plus cher, souvent par l’arrivée de résidents plus aisés. Il peut entraîner la rénovation et la restauration de bâtiments historiques et de maisons anciennes, et contribuer ainsi à la préservation du patrimoine bâti. Toutefois, l’embourgeoisement peut également susciter la démolition de bâtiments historiques pour faire place à la construction de nouveaux immeubles plus modernes et plus élevés ; il peut également entraîner des pressions économiques et sociales susceptibles d’affecter le patrimoine de manière négative.

De plus, le processus d’embourgeoisement peut également engendrer une perte de culture et des traditions du quartier, car les nouveaux résidents ont souvent des origines et des intérêts différents de ceux de la communauté ouvrière. L’embourgeoisement peut également conduire à une augmentation des prix de l’immobilier et du coût de la vie, et forcer les résidents plus pauvres à quitter leur quartier. Il s’agit là d’un phénomène qui, dans l’ensemble, peut avoir des impacts positifs et négatifs sur le patrimoine d’un quartier, suivant la façon dont il est mis en oeuvre et selon les mesures prises, ou non, pour préserver les éléments historiques et culturels de la communauté ouvrière.

En conséquence, l’embourgeoisement peut être bénéfique pour la préservation du patrimoine dans certains cas, mais il peut également être préjudiciable s’il n’est pas géré de manière réfléchie et inclusive.




Article tiré de La Lucarne – Printemps 2023 (Vol XLIV, numéro 2).

© APMAQ 2023. Tous droits réservés sur l’ensemble de cette page. On peut reproduire et citer de courts extraits du texte à la condition d’en indiquer l’auteur et la source, mais on doit adresser au secrétariat de l’APMAQ toute demande de reproduction de photos ou du texte intégral de cette page.


  Retour