Retrouvez le premier article de ce récit dans le numéro hiver 2019-2020 de la Lucarne
Le jeudi, 1er juillet 1976, accompagnés d’un soleil radieux, nous quittons notre 3 ½ face à l’Université de Montréal. Aujourd’hui, nous déménageons à Calixa-Lavallée. La nouvelle autoroute 30 sera terminée cet automne, nous emprunterons donc les petits chemins de campagne pour nous y rendre. Toutes fenêtres ouvertes, notre Fiat 128 pleine à craquer, roule en direction de la maison du bonheur. Quatre amis entassés dans une vieille Ford Econoline nous suivent avec notre déménagement. Chemin faisant, aux abords de la route, poules, vaches et moutons en liberté animent les paysages verdoyants de notre nouvel environnement et… ça sent bon !
Les maisons des XVIIIe et XIXe siècles témoignent des dernières traditions agricoles d’un temps révolu. Instruits de nos lectures sur l’architecture traditionnelle du Québec, mon épouse et moi, nous nous amusons à départager les maisons ancestrales d’esprit français de celles des maisons dites québécoises. L’emplacement des souches de cheminées, le nombre d’ouvertures en façade, la disposition des fenêtres en pignon, le dégagement entre le sol et le rez-de-chaussée, la présence de coyau et de larmier, les pentes de toit, le carré des maisons, etc. Oui… l’aventure commence vraiment, mon esprit s’ouvre et ma nouvelle passion embrasse de ses yeux le défilement de notre nouveau parcours.
Arrivés vers midi, nous nous butons au cultivateur qui n’a pas fini son déménagement… Profitons de ce temps pour prendre une bouchée puis vidons l’Econoline en regroupant son contenu, par pièce, sur la galerie qui ceinture la maison sur trois côtés. Cette opération nous permet de constater que la galerie est pourrie et dangereuse à plusieurs endroits. Ce n’est pas grave, on doit s’attendre à tout lorsque l’on achète une vieille maison. Finalement, après l’échange des clés, nous prenons possession des lieux déjà envahis par des milliers de mouches. Merde ! Les portes sont restées ouvertes tout l’avant-midi ! Bienvenue à la campagne. À Kiamika, je me souviens, des collants à mouches pendaient de partout au plafond. Je saute dans ma voiture et me rends au magasin général du village pour en ramener une douzaine et six tapettes à mouches sur les conseils de l’intendante, madame Beauregard. Nous les vaincrons, lui dis-je, en la quittant.
Le lendemain matin, après une visite à la quincaillerie de Verchères, nous arrachons, sur la moitié du rez-de-chaussée, les planchers de bois franc et mettons à jour les vieux madriers de pin de la maison. Leurs largeurs nous surprennent ; en effet, elles varient entre 8 et 18 ½ pouces et peuvent s’effiler d’une extrémité à l’autre, un peu à la manière d’une paire de ciseaux. Cette première découverte nous encourage à poursuivre, car, nous observons pour la première fois de nos yeux vus une façon de faire à l’ancienne. Nous entreposerons dans le hangar, derrière la maison, tout ce bois franc qui, une fois coupé, servira à chauffer la cuisinière cet hiver.
Deuxième découverte, une trappe, à même le plancher, est munie de son anneau forgé ; elle s’ouvre sur une cave de terre battue ceinturée de fondations de pierres. Un mur de refend divise longitudinalement le centre de la maison ; d’une longueur intérieure de 31 pieds sur 25 pouces d’épaisseur et 4 ½ pieds de hauteur, il supporte des arbres équarris à l’herminette sur lesquels repose le plancher de madriers de pin du rez-de-chaussée. Ces arbres se prolongent à travers les murs avant et arrière de la maçonnerie afin de soutenir les galeries extérieures de la maison. Ce mur de refend est percé sur sa longueur par deux ouvertures, la première permet d’accéder au sous-sol avant de la maison et la seconde nous laisse deviner l’emplacement d’une ancienne petite armoire encastrée où devaient être entreposées des réserves de nourriture. Finalement, le mur de refend se marie aux deux bases des cheminées de la maison. Après cette première journée de curetage, la bière, Gilles Vigneault et la pizza sont au rendez-vous. « J’ai planté un chêne » le titre de la chanson qui marqua cet été 76. Nous ne sommes pas allés aux Jeux olympiques de Montréal, car, comme disait l’autre : « On a trop d’ouvrage à la maison ! »
De ces observations nous avons compris que non seulement les deux foyers avaient été démontés, mais que ce mur de refend permettra de réduire le mouvement vertical des cheminées à remonter. Au printemps suivant, en discutant avec nos locataires qui ont habité la maison depuis leur tendre enfance, nous apprendrons les secrets de la disparition des deux cheminées.
Mais nous sommes toujours en juillet 1976 et mon épouse de l’époque est enceinte de 7 mois. Je me dois donc de préparer la chambre du bébé, d’améliorer l’isolation de la maison et de voir au chauffage de sa chambre. Geneviève naîtra le 4 septembre 1976, une superbe petite fille aux grands yeux ouverts qui scrutaient déjà à sa naissance tout ce qui bougeait autour d’elle. La mère et la fille sont en parfaite santé, que peut-on demander de plus ?
Dans mon prochain article, nous ferons un saut dans le temps pour nous retrouver en 1978 à la découverte des divisions d’origine de la maison et des transformations qu’elle a connues depuis sa construction.
Article tiré de La Lucarne – Printemps 2020 (Vol XLI, numéro 2).
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