Zoé, Reine et Nataly ou l’odyssée de trois femmes propriétaires

21 août 2022

Andrée Bossée

Nataly pointant la médaille avec une invocation à la Vierge pour protéger la maison contre un incendie… Peine perdue, semble-t-il ! C’est la belle-mère de Reine Brunet Demers qui avait caché cette pièce entre les briques.On se souviendra (« La propriété au féminin », La Lucarne, Printemps 2021) qu’au début de la décennie 1880, Zoé Casavant s’installe dans sa nouvelle maison ; elle y décède en 1894. En 2010, Reine, veuve depuis plusieurs années, décide de s’en départir, après plus de cinquante ans ; elle pose donc, en façade, une affiche en ce sens. Sept années s’écouleront avant qu’un acheteur sérieux ne se présente enfin ; la plupart des visiteurs n’ont d’yeux que pour le terrain constructible près du centre-ville. Le bâtiment lui-même soulève peu d’enthousiasme… En 2017, Nataly, qui est propriétaire de l’ancien couvent (1865) situé tout juste en face, reconnaît, par contre, la valeur patrimoniale de la maison et l’acquiert, bien décidée à lui redonner son lustre. Elle compte tout de même en modifier la vocation résidentielle actuelle du rez-de-chaussée, les loyers à l’étage de même que deux autres situés dans l’annexe de 1936 à l’arrière ; c’était autrefois une remise pour les voitures. Or, la foudre du 4 au 5 août 2020, anéantira-t-elle, en quelques minutes seulement, les efforts de conservation au 900, avenue Sainte-Anne à Saint-Hyacinthe ? C’était méconnaître la résilience de Nataly.

La Ville de Saint-Hyacinthe aurait favorisé une mise aux normes complète pour un usage partiellement commercial ; cependant, pour contourner les contraintes modernes de sécurité (cloisons, portes ignifuges, etc.) qui auraient défiguré le cachet victorien de la maison, Nataly a choisi de revenir à la vocation initiale du lieu, la luxueuse résidence familiale de Zoé ornée, entre autres, de colonnes au salon et de colonnettes aux fenêtres en bois de rose, restes de la fabrication des énormes tuyaux d’orgue de l’usine Casavant.

Dès la fin de 2020, un architecte et un ingénieur préparent des plans de restauration. La vérification de la charpente, le remplacement des fermes du toit endommagées ou affaiblies ainsi que la substitution de la presque totalité de la toiture en tôle agrafée sont effectués. En juillet de la même année, avant la démolition de certains murs, l’entrepreneur pense à retirer et numéroter les boiseries anciennes en vue de les réinstaller. Deux mois après, de l’amiante est détecté dans l’ancienne peinture : la compagnie d’assurance choisit d’exécuter le désamiantage de la maison. Tous les murs sont dépouillés ; il ne reste que la charpente. Janvier 2022 : on installe partout le nouveau filage électrique en conformité avec le code du bâtiment. La reconstruction peut enfin commencer le mois suivant.

Zoé serait heureuse de revoir sa maison telle qu’elle l’avait rêvée et construite. Reine, après une visite récente, se réjouit de ce qu’elle est redevenue et Nataly ne regrette en rien l’incroyable énergie qu’elle a déployée pour redonner à ce joyau victorien, au-dehors comme au-dedans, tout son éclat.


Article tiré de La Lucarne – Automne 2022 (Vol XLIII, numéro 4).

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