Notre présence dans un lieu de vie ajoute à son passé. Pour en témoigner, il suffit de constater l’évolution architecturale de notre résidence à partir d’une illustration du journal La Patrie du 28 août 1909 (ill. 1). À l’époque, c’est une coquette maison construite pour son premier occupant, Hormidas Lauriault, commis voyageur. Il a acheté un lopin de terre, « sans bâtisse dessus construite », du cultivateur Achille Dubreuil, le 12 septembre 1903 (Louis-Gaspard Hétu, notaire). Un achat de 1000 piastres, dont 100 piastres en espèces avec un intérêt de cinq pourcent sur le solde. Par la suite, le 8 mai 1912, il vend sa propriété à Joseph Morin, marchand de pianos de Montréal-Est (Élie Herménégilde Léveillé, notaire). Pour le terrain et l’immeuble, il obtient 13 000 piastres, dont 8300 comptant et un taux d’intérêt à six pourcent par an pour le reste. Le troisième occupant est Oscar Benoît, un autre marchand. L’acte de vente est passé à Montréal, le 13 novembre 1918 (Hervé Savaria, notaire) pour 10 000 piastres dont un acompte de seulement 200 piastres, le solde payable avec intérêt à six pourcent l’an au vendeur. Ce troisième propriétaire emprunte, le 10 mai 1923 (Augustin Langelier, notaire), la somme de 6000 dollars au cultivateur Ferdinand Chartrand, père. Selon nous, cet emprunt finance l’ajout d’une aile et aussi l’imposante galerie en façade. À la suite de ces interventions (ill. 2), la maison se donne des airs de bourgeoise ! Sa physionomie change après 1980, en se recouvrant d’un voile de vinyle. Elle expose alors une façade artificielle aux passants, comme en octobre 2013 (ill. 3).
Après toutes ces dates, passons maintenant au 11 octobre 2017, le jour même où les couvreurs-ferblantiers ont retiré la tôle profilée (communément appelé tôle à grange) recouvrant le pan incliné de l’auvent. Ils trouvent, sous ce revêtement métallique, le classique bardeau d’asphalte noir laissé en place par un précédent entrepreneur en toiture. Le lendemain, les ouvriers reviennent arracher cette couche et surtout en disposer hors chantier (ill. 4).
La surface dépouillée du versant présente des signes d’affaissement à quelques endroits (ill. 5). Il faut donc retirer des planches pour accéder aux combles afin de consolider les chevrons et ajuster la pente du toit en appentis. J’y plonge mon regard ; c’est ouvrir une capsule temporelle, vieille de 94 ans ! J’immortalise en photo le savoir-faire de nos artisans. Ce vestige ornemental est composé de bardeaux de cèdre en écailles de poisson (ill. 6).
Cette découverte fortuite permet d’expliquer la ligne de bardeaux à bouts arrondis esseulés au-dessus de la traverse des fenêtres en saillie du rez-de-chaussée (ill. 7 et 8). C’est le jupon qui dépasse sous la jupe !
Le travail des couvreurs se poursuit par la pose de panneaux de contreplaqué sur les planches ; la surface est prête à recevoir une membrane élastomère. L’étanchéité se termine par un assemblage à joint pincé d’une tôle d’acier prépeinte de couleur gris régent (ill. 9).
À partir de maintenant, vous savez tout ce qui se cache derrière l’auvent…
N’hésitez pas à relire les articles précédents du récit de restauration de cet auteur.
Article tiré de La Lucarne – Été 2022 (Vol XLIIII, numéro 3).
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