Ma pierre angulaire

26 mai 2022

Jean-Robert Grenier

Retrouvez l’article précédent de ce récit.

Lorsque nous avons la chance de posséder une maison ancienne, parmi les nombreux défis rencontrés, celui de l’intégration des commodités modernes demeure souvent la tâche la plus exigeante. La facilité est rarement une option. Dans cet article, nous nous intéresserons à ce problème si difficile à résoudre. Nous débuterons donc par l’ajout d’un dispositif contemporain très utile aux personnes du troisième âge.

Un jour, à l’automne de sa vie, belle-maman nous surprit à l’annonce de son désir de vivre avec nous. Autrefois, femme très active, ses jambes montraient depuis quelques années des signes inquiétants de faiblesse, et ce, principalement lorsqu’elle devait monter à sa chambre. Mon épouse et moi devions trouver une solution sécuritaire à ce problème. Après analyse, trois possibilités s’offraient à nous. La première : remplacer le four à pain du bas-côté par un petit ascenseur. Cette première solution fut rejetée ipso facto ! La deuxième : installer un monte-personne à l’imposant escalier de la salle commune. Option rejetée également puisque ce bel escalier du début du XXe siècle aurait été défiguré ; ce serait l’éléphant dans la pièce. Finalement, la troisième solution : ajouter, dans le bas-côté au-dessus du four à pain, un monte-personne à l’escalier de meunier déjà existant. Cette intégration exigerait de relever le niveau du premier palier de l’escalier, de réduire son limon en façade, d’ajouter une marche au niveau du plancher et de fixer solidement une main courante au mur. Cette transformation me demanda un brin de créativité et quelques calculs. Une fois réalisé, le monte-personne s’intégra parfaitement dans le décor au grand plaisir de belle-maman. Nos ami(e)s tardèrent à remarquer la présence de cette innovation technologique. Qui dit qu’il est difficile de vivre dans une vieille maison ?

Le second sujet traitera d’un problème rencontré régulièrement lors des travaux de restauration des maisons anciennes. Nos premiers réflexes sont de rechercher des repères temporels remontant à sa construction. Cette quête est parfaitement normale et fait partie du plaisir de retourner vers le passé et de s’approprier l’histoire de notre demeure. Cependant, le risque couru durant cette phase initiale de découvertes est de précipiter les décisions de démolition sous prétexte que ces ajouts sont postérieurs à la date de construction de la maison.

Malheureusement, ce réflexe fait abstraction du temps qui s’est écoulé et de l’histoire réelle des transformations de nos vieilles maisons. Je me souviens d’avoir eu un différend avec mon ami, feu Pierre Farand, dont je vous ai parlé (La Lucarne, été 2020, Vol. XLI, numéro 3). Pierre voulait que l’on remplace le grand escalier par un escalier de meunier. Rappelons-nous que l’escalier actuel fut construit afin de rendre entièrement habitable l’étage supérieur. Puisque nous voulions réaménager ce dernier, il nous apparaissait mal avisé de détruire le grand escalier. De plus, qui a déjà vu un escalier de meunier mener à des chambres à coucher ? Nous avons donc pris la décision de le conserver au même endroit. Détruire des éléments architecturaux qui vont dans le sens de l’usage projeté par les anciens occupants est, à mon avis, une erreur à éviter.

Combien de maisons anciennes ont été agrandies dans le temps au Québec ou dans le monde ? Est-ce que la restauration d’une ancienne maison suppose nécessairement de la ramener à son état initial ou plutôt de la restaurer dans l’esprit de sa continuité historique ? C’est une question difficile à trancher mais, chose certaine, la maison à restaurer doit être vivable ; il n’est pas question de retourner au puits pierroté, au fauteuil d’aisance ou encore de cuisiner dans l’âtre !


Article tiré de La Lucarne – Été 2022 (Vol XLIIII, numéro 3).

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