Côté sud de l’Île d’Orléans, sur le chemin Royal traversant le magnifique village de Saint-Jean, juchée sur la falaise en haut de la côte de l’église, cette maison modeste, au toit mansardé et aux lucarnes victoriennes, nous a d’abord charmés par la vue sans pareille qu’elle offre sur le fleuve ; aussi par ses éléments anciens préservés, par son petit atelier en retrait près du ruisseau et par son histoire dans la vie du village.
Construite en 1866 par le marchand Jérémie Blouin, elle a ensuite été occupée par le tailleur d’habits, Jean-Baptiste Simard et sa famille, puis par celle de son fils banquier Wilfrid1. Les deux portes en façade ainsi que les deux grandes fenêtres carrées rappellent la double vie familiale et commerciale de ce bâtiment depuis sa construction jusqu’à la fin du XXe siècle. Au départ, la porte de droite, plus modeste, servait à la famille alors que celle de gauche, au chambranle plus ouvragé, s’ouvrait sur le commerce. Entre 1956 et 1978, lorsque la maison est utilisée par la Banque Nationale, la porte de droite sert d’accès aux bureaux et au guichet, l’autre à la famille2.
Après un long passage en vie urbaine montréalaise, nous venions de trouver un nid où nous poser, dans un lieu patrimonial, entouré de belles maisons anciennes dont les propriétaires, pour la plupart, avaient à coeur la préservation de ce patrimoine bâti. La détermination, le talent de ces personnes, l’avancement pas-à-pas de leurs travaux continuent de nous inspirer, saison après saison. Arrivés à la fin de 2014, par un froid saisissant, notre premier défi fut d’aménager les lieux pour y vivre de façon confortable et fonctionnelle en respectant le mieux possible le cadre historique de la maison.
Nous avons d’abord investi nos efforts dans la création d’une petite pièce annexée à la cuisine à partir de deux murs existants formant un « L » au centre du rez-de-chaussée. Dans cette pièce discrète dont l’ouverture unique se situe derrière le plan de travail principal de la cuisine (évier) se trouvent maintenant le réfrigérateur, la vaisselle et les ustensiles de cuisine auxquels nous tenions et pour lesquels l’espace existant s’était avéré nettement insuffisant. Nous avons terminé ces travaux au début de l’été 2015.
Notre projet suivant fut de revoir le système de chauffage du rez-de-chaussée. Les quatre convecteurs électriques muraux installés quelques années auparavant offraient un rendement décevant, sans compter leur allure moderne et leur emplacement plutôt malheureux. Nous les avons remplacés par cinq anciens radiateurs en fonte, restaurés par un artisan spécialisé de Saint-Jean-Port-Joli. L’eau, avec l’antigel qu’ils contiennent, est chauffée à l’électricité ; chaque radiateur peut avoir son propre thermostat. Ce chauffage radiant a grandement amélioré le confort de la maison et s’harmonise davantage au style de l’époque.
En 2017, la protection du revêtement extérieur en clin de bois et en bardeaux de cèdre montrant déjà des signes de fatigue, il fallait trouver les personnes intéressées et compétentes pour bien faire le travail de préparation, de réparation et de protection des surfaces. Ce travail, nécessitant par surcroît l’installation d’échafaudages sur un terrain en pente, comportait plus de défis que prévu. C’est finalement à l’été 2019 que nous avons entrepris ces travaux qui, à leur tour, ont généré inévitablement d’autres projets dont ceux touchant les ouvertures, le parement du sous-bassement de la cuisine d’été, la galerie arrière, sa toiture et son escalier.
À l’étage, quatre des dix contre-fenêtres ont été restaurées et deux autres ont pu être habilement reproduites par un artisan de l’Île. Les coupe-froid, qui avaient hélas été cloués avec minutie au pourtour de toutes les contre-fenêtres de la maison, ont été retirés et remplacés par des coupe-froid appropriés. D’autres travaux de restauration nous attendent pour le reste de la fenestration de la maison, mais ils sont de moindre envergure, et surtout, les structures sont maintenant mieux protégées.
Quant aux portes et contre-portes, après mûre réflexion, nous avons décidé de conserver seulement la porte en façade à droite et de remplacer toutes les autres, compte tenu de leur faible potentiel de restauration. Ainsi, à l’avant, la porte principale et les deux contre-portes en pin ont été reproduites à partir des originales. À l’arrière, porte et contre-porte existantes étant peu efficaces et de style disparate, nous avons installé à leur place une porte et une contre-porte en pin à six carreaux, mieux harmonisées à la fenestration et aux autres portes du rez-de-chaussée.
À l’été 2020, nous avons remplacé le vinyle couvrant le bas des murs nord et est de la cuisine d’été par des planches d’épinette embouvetées à la verticale en harmonie avec le revêtement existant du mur sud. Cette petite pièce de 11 par 12 pieds, annexée à l’arrière de la maison (côté sud-est), aurait servi autrefois à recevoir et à ranger de la marchandise. On peut d’ailleurs accéder au sous-bassement de cette pièce par une trappe à même le sol. Avant 2007, elle était dotée de deux portes extérieures, l’une toujours présente, s’ouvrant à l’ouest sur la galerie arrière ; l’autre, côté nord, retirée au début des années 2000, permettait d’accéder au stationnement principal par le côté de la maison.
Enfin, c’est au printemps 2021 que nous avons entrepris les travaux de restauration de la galerie. Trois objectifs principaux étaient au menu : le retrait du soffite d’aluminium recouvrant le plafond du toit de la galerie, la mise aux normes de l’escalier (ajout d’un nez) et la restauration de la balustrade existante.
Le retrait du soffite d’aluminium a mis à jour quelques déficiences structurelles mineures, mais, par ailleurs, nous a permis de constater le bon état général du plafond. Une fois complétées les corrections requises, nous avons retiré l’éclairage encastré et posé un soffite en lambris d’épinette V-joint V-centre. Peint en blanc, ce nouveau soffite redonne de l’élégance à la galerie et semble faire partie de la maison depuis toujours !
Quant à l’escalier, l’instabilité des rampes, l’absence de nez et l’accumulation d’eau sur les marches posaient un problème de sécurité. Chacune des marches d’escalier en pin a été remplacée par deux madriers de cèdre placés côte à côte de façon à permettre l’écoulement de l’eau au centre et à créer un nez sécuritaire. La plupart des contremarches ont dû être remplacées par de nouvelles reproduites à partir du modèle d’origine. Une fois la balustrade réparée (remplacement des poteaux et balustres abîmés), les rampes ont été stabilisées.
Voilà, en gros, nos sept premières années à l’Île d’Orléans. Elles nous ont donné plus de travail que prévu, mais beaucoup de satisfaction à l’idée d’apporter notre contribution, si petite soit-elle, à la protection de notre patrimoine bâti.
1. Raymond Létourneau (auteur et éditeur), Nina Giguère (collaboration), Le village de Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans, 2008, p. 182-183, 188-189.
2. Raymond Létourneau et al., Un visage de l’Île d’Orléans : Saint-Jean, 1979, p. 307-319.
Article tiré de La Lucarne – Printemps 2022 (Vol XLIII, numéro 2).
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