Site patrimonial du Village-minier-de-Bourlamaque

3 décembre 2021

Clément Locat

Vue aérienne du site patrimonial du Village-Minier-de-Bourlamaque. Gracieuseté : Pierre Lahoud — 2012Le Village-Minier-de-Bourlamaque, fusionné à la ville de Val-d’Or en 2008, a été proclamé site historique en 1979 par le ministre de la Culture d’alors, Denis Vaugeois. En 2008, la responsabilité du site a été transférée à la Ville de Val-d’Or. En 1995, sur le site minier localisé à l’est du village et fermé en 2005, avait été inauguré un Centre d’interprétation baptisé Cité de l’Or ; il forme désormais un site historique unique avec le village minier. On y offre, outre la visite guidée du village, la tournée de quatre bâtiments de l’ancienne mine de même qu’une descente sous terre à 91 m dans les anciennes galeries de la mine. C’est malheureusement un site patrimonial méconnu au Québec ; on y propose pourtant plusieurs activités fort originales.

 La visite à Val-d’Or que j’ai effectuée avec Marie-Josée Deschênes, architecte spécialisée en patrimoine, en juillet dernier, découlait d’un contact en 2018 de monsieur Sébastien Lafontaine, un artisan en construction et restauration de maisons de bois rond. Ce dernier rencontrait alors des problèmes d’application des règles propres au classement du site et constatait le manque d’expertise en région, ce qui l’avait incité à chercher de l’accompagnement auprès de la Fédération Histoire Québec (FHQ). J’ai eu plusieurs contacts avec lui et je lui ai apporté mon appui, entre autres, dans ses démarches auprès de la ville ainsi qu’auprès de Marie-Josée Deschênes qui lui a fourni un support technique. À l’invitation du Comité de citoyens, la rencontre eut lieu le 23 juillet dernier.

Plan montrant l’élévation droite et la façade d’une maison de type B.Témoin de la ruée vers l’or en Abitibi, Bourlamaque, un village de compagnie, a connu un développement planifié et rapidement réalisé en 1934-1935 par la Lamaque Gold Mines afin de répondre au besoin urgent des familles de ses travailleurs embauchés au moment de la mise en production de la mine. Les plans d’aménagement et la conception des maisons relevaient alors d’ingénieurs travaillant tant à la société minière qu’à la municipalité. Le développement du village se fit donc selon une trame orthogonale constituée de deux larges avenues orientées est-ouest et de cinq rues perpendiculaires. Une forêt de pins gris et d’épinettes couvrait le site ; une fois abattus, les arbres servirent à la construction d’environ 68 maisons de bois rond, d’un étage ou d’un étage et demi, conçues selon cinq plans types. Parallèlement, la ville de Val-d’Or se développait selon un mode moins contraignant.

Ensemble de maisons du village et leur environnement paysager attrayant.Bâties plus simplement sur lisses de bois posées au sol, ces maisons de bois rond sont munies d’un toit à deux ou quatre versants, couvert de bardeaux d’asphalte de couleur rouge ou verte. Au cours des ans, ces maisons ont été dotées d’une assise de béton, ce qui a favorisé leur conservation jusqu’à maintenant. En outre, cinq maisons de pension de trois étages de structure conventionnelle ont été construites pour loger les travailleurs célibataires.

Le secteur administratif de la mine est situé au nord du site, sur un vaste terrain ondulé et paysagé à l’anglaise. Il inclut deux résidences, un hôpital et une maison d’accueil pour les visiteurs : des bâtiments avec revêtement de stuc dont l’architecture s’inspire du style Tudor dans deux des cas, et du courant moderne dans le troisième cas. Pour l’ensemble du site, même les remises avaient fait l’objet de devis et la plantation de saules avait été projetée sur plan.

Lamaque Lodge — la maison des visiteurs.Le classement du Village-Minier-de-Bourlamaque résulte de la volonté de résidents et des municipalités concernées de conserver intact ce site exceptionnel, témoin de la ruée vers l’or, alors que partout ailleurs sur le territoire, ces ensembles disparaissaient graduellement du paysage. Dès 1965, le Conseil municipal de Bourlamaque en reconnaît l’intérêt touristique et édicte des règles touchant la réparation et l’agrandissement de ces maisons. En 1970, la Ville de Val-d’Or envisage la création d’un site historique et des démarches sont entreprises auprès de Georges-Émile Lapalme, alors président de la Commission des biens culturels, qui fera cheminer ce dossier auquel il croit. La mise en vente d’une quarantaine de maisons par la mine Lamaque en 1973 accentuera l’urgence de mesures de protection. Une recommandation favorable de la Commission des biens culturels en 1976 ne donnera aucun résultat. Finalement, les pressions exercées par la Société historique de la Vallée-de-l’Or, qui a repris le dossier, mèneront à la déclaration de Site historique classé à l’été 1979 par le ministre Denis Vaugeois.

Maison du surintendant de la mine.La Ville de Val-d’Or acquiert en 1978 la maison sise au 123 de l’avenue Perrault ; elle retrouve en 1981 son caractère d’origine, tant pour ce qui est de l’aspect extérieur que pour l’aménagement intérieur. Elle deviendra alors un Centre d’information et d’interprétation. Le Comité du village minier devenu la Corporation du Village-Minier-de-Bourlamaque en 1981 est responsable de préserver le caractère historique de cet ensemble. C’est tout à l’honneur des citoyens qui s’en sont préoccupés dès les années 1970 ; c’est grâce aussi aux efforts de la ville et à ceux des propriétaires soucieux de la conservation de leur habitat et ceci, pour le bénéfice de tous les Québécois.

Monsieur Lafontaine est devenu, lui aussi, propriétaire d’une maison dans le village en 2014 ; il a dû la démolir en raison de dommages irréparables à la structure causés par l’eau. Il a, dès lors, construit une autre maison presque à l’identique, une pratique non recommandable en patrimoine mais qui se justifie sur ce site. Dans le même temps, il a travaillé à la restauration de quelques maisons au même endroit, notamment en procédant au remplacement de certaines billes, ce qui l’a confronté à maints problèmes liés à l’application des règlements municipaux.

Maison avec sa toiture à deux versants.Nous avons donc rencontré cet artisan, les membres du Comité de citoyens du village, la conseillère du quartier et avons discuté des difficultés vécues dans la gestion du site, des pratiques à modifier, de l’adaptation nécessaire de certaines règles, des ressources requises et des interventions souhaitables dans le respect du caractère local.Vue d’une ruelle et son alignement de garages.

La tournée du village nous a permis de constater l’état général des maisons, les besoins d’agrandissement, les problèmes particuliers vécus par les propriétaires, le choix de nouveaux matériaux et les besoins d’entretien tant préventif que curatif. Marie-Josée Deschênes a, par la suite, rencontré l’urbaniste et la conseillère du quartier pour échanger sur le dossier avant de revoir le Comité de citoyens et quelques résidents pour faire le tour de la question.

Centre d’interprétation avec son toit à quatre versants couvert de bardeaux d’asphalte.Tous ces intervenants ont semblé très satisfaits des échanges et considèrent qu’il s’agit d’un nouveau départ pour une gestion plus efficace du site. Marie-Josée Deschênes soumettra d’ailleurs un rapport de visite et poursuivra possiblement son engagement à distance auprès des différents intervenants.

Ensemble de maisons de l’avenue Perrault.L’accueil a été des plus chaleureux et nous avons tous bénéficié d’échanges très ouverts. Les buts et les activités poursuivis par l’APMAQ les intéressent vivement. Le Village-Minier-de-Bourlamaque offre de surcroît un milieu convivial, un caractère très attrayant avec ses larges avenues, ses terrains boisés et fleuris et surtout, ses maisons authentiques et bien entretenues. Cet ensemble de maisons de bois rond construites il y a déjà 85 ans, représente un patrimoine fragile ; c’est presqu’un miracle que la plupart d’entre elles aient perduré jusqu’à nos jours.


Article tiré de La Lucarne – Hiver 2021-2022 (Vol XLIII, numéro 1).

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