Ça dépare un parement !

6 septembre 2021

Pierre Bleau

UN DÉNOUEMENT MURAL

Ceux et celles qui se passionnent pour l’évolution de leur maison patrimoniale et l’histoire de ses anciens occupants s’interrogent parfois sur les tentatives de ces derniers en vue de remettre en état leur demeure. On découvre ainsi qu’ils ont opté pour une approche prétendument économique (du moins à court terme) au lieu de privilégier la sauvegarde des éléments originaux et distinctifs. Il faut alors dire adieu à l’ornementation, à la volumétrie de l’immeuble et à son identité. L’installation contemporaine d’un revêtement de vinyle sur les façades, le tout agrémenté de fausses persiennes en aluminium en est un exemple patent (ill. 1). Ce type de produit de substitution, à faible coût, s’avère malheureusement omniprésent sur le lucratif marché de la rénovation ; les propriétaires s’imaginent pouvoir se soustraire à tout geste d’entretien préventif. Conséquemment, on installe ces matériaux rarement recyclables (de futurs déchets) au lieu d’acheter des produits plus nobles comme le bois. Vous comprenez que je condamne l’utilisation de ces imitations à rabais. Je préfère préserver l’authenticité architecturale d’une maison ancienne.

UN PAREMENT VIRAL

Ainsi, nous convenons de redonner préséance au clin original en dormance sous cette couche synthétique. Avec naïveté, on assemble les sections d’échafaudage et on construit une surface de travail temporaire. Cette intervention se veut habituellement simple. Elle consiste à arracher avec une barre à clous le revêtement de vinyle et les fourrures en bois. Toutefois, une mauvaise surprise nous attendait dans un coin à l’étage, près de la fenêtre de la salle d’eau et du mur de la chambre principale ; nous découvrons un épais enduit de béton lissé à la truelle d’acier. On aperçoit même un bout de treillis métallique au-dessus de l’ouverture de la fenêtre (ill. 2). C’est du solide !

La démolition s’exécute patiemment à l’aide d’un ciseau à froid, d’une petite masse et d’une cisaille pour venir à bout de la résistance du béton armé d’un grillage (ill. 3). L’ensemble est fixé au clin par de longs clous au travers de fourrures disposées à la verticale. On apprécie la présence d’un feutre de construction devenu fragile au cours des années car ce dernier a empêché l’adhésion du mélange sur le parement en bois. Le retrait du corps d’enduit laisse apparaître l’état de décrépitude des murs. Malgré toutes nos précautions, plusieurs planches se fendillent ou se brisent entre nos mains ; les rares survivantes agonisent sous les effets pervers de la pourriture sèche. Cette section est à remplacer par des planches de cèdre.

UN COIN CONJECTURAL

Mon hypothèse sur cet enduit inattendu s’explique par son emplacement. En effet, le coin est situé sous une noue de la toiture. Une photo prise vers 1935 montre une gouttière longeant les murs gouttereaux et des colonnes d’évacuation. Ce système a disparu depuis longtemps. Comment entretenir cette installation suspendue à environ 20 pieds du sol ? Un autre indice, le couvreur a retiré des attaches en acier lors de ses travaux. Une photo d’un inventaire (1977) montre la subtile texture d’un enduit. Il vient briser l’alignement horizontal du clin. Quelle chance ! Cette présence inopportune ne s’est limitée qu’aux deux coins de l’aile arrière de la maison.

1. Les murs sont parés d’un affligeant revêtement de vinyle.

2. Le coin est dépareillé par un épais enduit en béton.

3. Retrait du corps d’enduit recouvrant le clin de bois.

N’hésitez pas à relire les articles précédents du récit de restauration de cet auteur.


Article tiré de La Lucarne – Automne 2021 (Vol XLII, numéro 4).

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