Drôle de question, me direz-vous, alors que la réponse semble évidente pour plusieurs. Que le ministère de la Culture et des Communications classe une maison d’intérêt national ou qu’une municipalité cite une des résidences de sa communauté devrait réjouir ceux pour qui le patrimoine bâti est une valeur essentielle à notre société. Si, au sein de notre association, vous êtes un « ami » de maisons anciennes, la réponse à cette question sera fort probablement positive ; nous voulons tous, en tant que citoyens avisés, avoir des programmes qui veilleront à la préservation de nos joyaux en leur accordant une protection juridique. En contrepartie, si vous êtes propriétaire d’une résidence ancienne, vous hésitez peut-être à répondre par l’affirmative...
Le classement et la citation des maisons apportent un avantage considérable à leur propriétaire, celui d’être aidé financièrement par l’État quand vient le temps d’entreprendre des travaux de restauration ; par contre, vient aussi l’obligation de maintenir sa propriété dans un excellent état. Tout le monde sait que, trop souvent, cette obligation n’est pas respectée et conduit fréquemment à des démolitions très fâcheuses. Et si on a la volonté de bien restaurer sa propriété, on est quand même soumis à des contraintes souvent difficiles à respecter (coûts élevés des travaux, longs délais d’autorisation, concessions sur les choix à faire…) Autre constat, les maisons à statut juridique sont de plus en plus difficiles à assurer : les compagnies d’assurance se désengagent ou couvrent seulement une partie du risque mais, encore là, à des coûts de prime exorbitants. D’ailleurs, cette tendance ne touche pas seulement les maisons à statut juridique mais aussi celles inscrites dans un site patrimonial ou toutes les autres auxquelles on peut attacher le qualificatif « patrimonial » et qui, elles, n’ont pas de statut juridique particulier. C’est un réel problème sur lequel on doit se pencher. À ce propos, nous avons formé un comité qui oeuvre actuellement à créer un nouveau programme d’assurance. (voir l’article de Claire Pageau de décembre dernier).
Plusieurs autres points pourraient être traités concernant les difficultés liées au classement et à la citation : d’abord évidemment le financement public, autant au provincial qu’au municipal, particulièrement difficile dans les petites communautés, puis l’inventaire de ce qu’on devrait protéger, la vigilance des propriétaires et la surveillance de ces biens par nos institutions… bref, on ne prétend pas faire ici le tour de la question. Cet article se veut simplement une amorce de réflexion sur ce que pourraient ou devraient devenir nos mécanismes de protection du patrimoine bâti. Le classement et la citation sont peut-être des outils de protection imparfaits, mais à défaut de mieux, on doit sûrement les encourager et surtout réfléchir à en améliorer l’application.
Avec de l’éducation et de la sensibilisation en bas âge, bref, dans un monde idéal, tous apprécieraient les maisons anciennes, les respecteraient, et seraient prêts à donner une partie de leurs impôts pour aider à les entretenir ; ainsi les mécanismes de classement ou de citation deviendraient obsolètes. Mais on n’en est pas là encore et on doit continuer notre travail de diffusion et de sensibilisation.
En conclusion, la majorité des « amis » de l’APMAQ n’hésiteront probablement pas à répondre par l’affirmative à la question en titre de cet article alors que les propriétaires de maisons anciennes ne seront peut-être pas unanimes dans leur réponse. L’hésitation de ces derniers sera probablement due au fait que, en plus d’être propriétaires, ils sont, bien sûr, des « amis » des maisons anciennes.
Article tiré de La Lucarne – Printemps 2021 (Vol XLII, numéro 2).
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