Dès le début de la colonisation, la priorité du colon est de construire un toit pour héberger sa famille, contre les rigueurs de nos hivers. Même dans ces conditions rudes et difficiles, les habitants ont démontré un intérêt à décorer leurs maisons. Étaient-ce que les longues périodes hivernales et le fait d’être « encabanés » qui leur donnaient le temps et le goût d’enjoliver les demeures? Ou bien la hiérarchie sociale moins contraignante dans ce nouveau pays permettait-elle à tous de s’offrir un peu de luxe?
Quelle était la source d’inspiration pour développer cette riche tradition d’embellir leurs demeures? Les souvenirs d’objets décoratifs observés avant de quitter la France ou bien encore des exemples réalisés ici par des artisans de métier? On compte, en effet, plusieurs parmi les tout premiers immigrants? Et justement, ces artisans de métier desservaient surtout une clientèle ecclésiastique. Leurs plus belles réalisations étaient exposées à tous dans les églises. On peut imaginer que le simple colon lors de sa journée de repos, écoutant le sermon dominical qui s’éternisait, se permettait de scruter les décorations en guise d’inspiration? Peu importe, la tradition s’est développée sans l’accès à des sources d’inspiration comme les journaux, les livres et les catalogues qui ne viendront accessibles que vers la fin du 19e siècle ou avec l’arrivée des immigrants des Îles Britanniques et des Etats-Unis. (Voir l’article de Gabriel Deschambault dans La Lucarne, été 2015).
Défricheurs et autres bâtisseurs du pays étaient, presque par définition, des personnes à tout-faire, habiles de leurs mains et habitués aux outils de base. Les hommes, en défrichant leurs terres et en bâtissant leurs premières maisons, maitrisaient l’utilisation des haches, des sciottes, et de quelques rabots simples. Pour les plus habiles, l’utilisation de quelques rabots et ciseaux à bois permis, entre autres, d’enjoliver les demeures, de moulures et d’encadrements décoratifs autour des portes.
Fréquemment, on construisait des divisions entre les pièces avec des planches très larges, embouvetées et posées à la verticale. Selon cette méthode, qui a l’avantage d’être rapide, on utilisait efficacement de belles planches larges de pin ou d’épinette. Malheureusement pour l’esthétique, les changements saisonniers venaient modifier la largeur des planches. En période humide les planches s’élargissaient et tenaient la jointure bien fermé, mais en période sèche les planches rétrécissaient laissant paraître un petit interstice le long de chaque joint. La solution élégante : pourquoi essayer de rendre invisible les joints de planches quand on peut les mettre en évidence avec une jolie petite moulure en forme de « baguette »? C’est ce qui fut fait.
L’encadrement qui fait la transition entre le mur et le cadre d’une ouverture s’appelle la chambranle. Pour les ouvertures donnant sur les murs extérieurs, le chambranle assurait aussi une meilleure étanchéité contre les intempéries. Il protégeait également le cadre de la pourriture. Le chambranle pouvait être aussi simple qu’une simple planche de bois. Cet élément architectural semble avoir permis à l’artisan d’exprimer ses goûts et son talent. Ainsi, on en observe une grande variété de modèles, même durant la période de Nouvelle-France.
Voici un exemple de chambranle et des rabots utilisés pour sa fabrication.
Exemple, parmi une multitude de modèles, d’un chambranle pour une porte : étapes de fabrication et les rabots utilisés. Étape 1 : Enlever une feuillure (une bande longitudinale; voir pointillé sur le dessin) à l’aide d’un guillaume (rabot central sur la photo) pour établir deux paliers ou niveaux.
Étape 2 : Pousser (tracer) une moulure le long de chaque palier (les deux rabots à moulure entourant le guillaume sur la photo). Dans l’exemple présenté ici, le chambranle est posé avec la partie droite plus près de la porte.
Par Austin Reed, membre du Comité du Groupe-conseil
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