En 1694, en pleine saison des récoltes, un incendie fait rage à trois lieues de Ville-Marie. Le brasier du village amérindien de la Mission de la montagne est si violent qu’on peut en apercevoir les flammes à partir de la place d’Armes.
Le 11 septembre 1694, le feu consuma en trois heures, cinquante cabanes de Sauvages, quinze maisons françaises de charpente, couverte de planche, une très belle église bien voûtée et bien ornée et lambrissée de planches et couverte de bardeaux, et par-dessous tout cela l’enceinte du village qui était de pieux et pièces, le tout avec un dommage de 23 000 livres.
— Vachon de Belmont, Histoire de l’eau de vie au Canada
François Vachon de Belmont, qui deviendra en 1701 le cinquième supérieur de Saint-Sulpice de Montréal, s’occupe de la mission de la montagne depuis 1680.
En 1685, il y a même fait construire un fort de pierre attenant au village amérindien et voilà qu’en ce jour fatal, les 220 personnes qui vivent à la Montagne se retrouvent sans abri.
Pour narrer l’événement et pour bien faire saisir l’ampleur de la perte, Monsieur de Belmont dessine un plan de la mission établie sur le domaine de la Montagne. Il l’intitule : Plan de la mission de la montagne 1694.
Ce document exceptionnel, relevé de couleur au lavis, a été retrouvé fortuitement il y a une quarantaine d’années aux Archives nationales de France dans les archives de la Louisiane. (Qui sait, peut-être ce document avait-il été expédié à la Nouvelle-Orléans ?).
Vachon de Belmont nous apprend que, même si le transfert de la Mission de la Montagne vers la Mission du Sault au Récollet est commencé depuis 1692, le jour de l’incendie, 36 ménages, 34 écoliers, 23 écolières, 12 enfants au berceau, 11 veuves, 8 fillles à marier et 55 guerriers vivent encore à la Mission de la Montagne.
À l’intérieur de la palissade du village (qui n’est représenté que partiellement), l’église couverte de bardeaux (E2), les maisons de charpente et les maisons longues sont la proie des flammes.
Par bonheur, à l’abri du fort de pierre, la grange, construite au-dessus de l’ancien vivier, la maison (H) et son escalier en forme de fer à cheval, et l’église neuve en forme de croix latine (I) échappent au sinistre.
Monsieur de Belmont nous confirme également que les tours du fort ne servent que très occasionnellement à des fins militaires, puisque les Sœurs de la Congrégation ont une école dans la tour sud-ouest (O) et qu’elles habitent dans la tour sud-est, alors que la tour nord-ouest (N) sert d’écurie et que la tour nord-est (M) sert de poulier et de pigeonier.
Le plan de la Mission de la Montagne nous indique la localisation d’un important vivier de 162 pieds de long par 36 de large et 8 de profondeur ; il nous illustre les vergers, les vignes (B1 – ancienne vigne abandonnée), (B2), (B3), le potager (D), le parterre (K) ; il nous apprend la dimension du village indien (250 pagées de palissade, soit envion 250 mètres), l’adaptation de la palissade des vergers à la topographie du mont Royal, la localisation de l’entrée dans le fort à partir du chemin en provenance de la ville.
Au lendemain de l’incendie, il est probable que les indiens se sont remis à l’ouvrage et ont reconstruit leur village à l’abri du fort ; en effet en 1701, suffisamment d’indiens sont présents à la Montagne pour que leur chef Mechayon soit signataire de la grande paix de Montréal.
« Les Gens de la Montagne
Vous avez fait assembler icy nostre pere toutes Les Nations pour faire un amas de haches et les mettre dans la terre, avec la vostre, pour moy qui n’en avoit pas d’autre, ie me rejouy de ce que sous faites auiourd’huy, et j’invite les Iroquois à nous regarder comme leurs freres. » —Mechayon, chef de la montagne
Aujourd’hui, si vous passez rue Sherbrooke entre les rues Guy et Atwater, à proximité de la rue du Fort, quand vous verrez se dresser ces deux formidables tours du fort construit par Vachon de Belmont en 1685, souvenez-vous que cette lueur et cette fumée dans le ciel provenaient de ce lieu mythique de notre ville et c’était un onze septembre … en 1694.
…et pour en savoir d’avantage sur cette propriété des anciens Seigneurs de Montréal, poussez la grille et entrez sur la place d’interprétation au pied des tours.
Article tiré de La Lucarne hiver 2017-2018 (Vol XXXIX, numéro 1).
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