Entrevue avec Marie-France Kech, artisane en peinture décorative

18 avril 2018

Marie-France Kech. Crédit photo : Mardjane AminMadame Kech, comment devient-on artisane en peinture décorative?

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai voulu peindre ou dessiner. Le moment venu, je me suis inscrite à l’Académie des Beaux-arts de Liège et, au cours de mon apprentissage, j’ai compris que la relation entre la peinture et son environnement immédiat, soit l’architecture, était ce qui m’attirait par-dessus tout. Intéressée à la peinture murale et ses trompes l’œil, je me suis spécialisée dans le métier de la peinture décorative et de ses traditions d’imitation et d’ornementation : création d’effets de marbre, bois et matières, patine, pochoirs et décors peints. Plus tard, grâce à une bourse de la Fondation Roi-Baudouin de Belgique j’ai poursuivi ma formation en restauration des décors peints et dorés, entre autres à l’École d’Avignon (Centre de formation à la réhabilitation en patrimoine ancien) et en Ardèche. C’est là que j’ai acquis la technique de la dorure et de la restauration des décors et fresques in situ, sur chantiers, aux côtés d’artisans et de conservateurs.

Comment une formation comme la vôtre s’inscrit-elle dans la dynamique du patrimoine québécois?

Venue à Montréal réaliser des stages d’échanges avec l’aide de l’agence Québec-Wallonie pour la jeunesse, j’ai eu l’occasion de travailler en atelier de décoration aux côtés d’artisans et j’y ai vu une merveilleuse occasion d’y exercer mes capacités. Il y avait à l’époque une demande pour des finitions décoratives en matière de rénovation et de construction résidentielle et publique; cette demande existe toujours mais elle a évolué au plan visuel.

Au lieu de proposer des imitations et de faux-finis, je propose de vrais finis traditionnels tels que les enduits de chaux ainsi que la reconstitution ou la restauration de finis peints et dorés traditionnels dans les églises et les grands immeubles publics.

Avez-vous déjà traité un élément patrimonial qui, étant dans un état désespéré, a retrouvé, suite à votre action ou à celle de votre équipe, son aspect d’origine?

Oui, j’ai eu la chance de restaurer avec mon équipe de huit à dix personnes et durant neuf mois, les plafonds de l’immeuble Ernest-Cormier, rue Notre-Dame. Les plafonds sont recouverts d’ornements en plâtre très travaillés, couverts de dorures et de patines diverses ainsi que de pochoirs et de motifs peints. Nous les avons nettoyés, consolidés, retouchés et reconstitués. Toute une expérience dans ce lieu merveilleux!

Comment envisagez-vous l’avenir de votre discipline?

Il est essentiel de transmettre les savoir-faire aux jeunes générations. C’est ce que je cherche à faire en collaborant avec le Conseil des métiers d’art du Québec où nous proposons des formations pour les artisans et les architectes. J’envisage également d’animer des ateliers destinés au grand public. Les participants y apprendraient par exemple à créer leur propre peinture, leur cire à partir des techniques québécoises d’autrefois et comment créer une couleur par le mélange des pigments : peinture à l’huile, à la caséine (une protéine de lait très utilisée au Québec dans le meuble), peinture à la farine de pomme de terre ou encore à la craie… et bien d’autres façons traditionnelles de créer la peinture.

Quelques chantiers montréalais où j’ai travaillé :

  • les églises Saint-Jean-Baptiste et Saint-Pierre-Apôtre;
  • les basiliques Saint-Patrick et Notre-Dame;
  • l’église du Saint-Enfant-Jésus-du-Mile-End , restauration des œuvres d’Ozias Leduc (équipe de Patrick Legris);
  • la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours, restauration des peintures Édouard Meloche;
  • l’Hôtel de Ville de Montréal;
  • le cinéma Impérial;
  • le Beaver Hall;
  • l’édifice Ernest-Cormier (Cour d’appel du Québec).

Article tiré de La Lucarne – Printemps 2018 (Vol XXXIX, numéro 2).

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