Suite du premier article publié dans le numéro du printemps 2020 de la Lucarne
La maison de pierre à murs-pignons découverts, très populaire dans la première moitié du XIXe siècle, se démarque principalement par un exhaussement du mur-pignon surmonté d’une imposante cheminée double (voir l’article précédent dans La Lucarne - printemps 2020). Avec le temps, l’exhaussement du mur-pignon découvert est source de problèmes. Plus exposé aux éléments, il s’effrite (ill. 1) ou constitue une source d’infiltration d’eau, à la jonction du mur-pignon et du toit. Tout cela demande un entretien fréquent.
Sans doute par souci d’économie à long terme, ou par un effet de mode consistant à prolonger le toit sur le mur-pignon, la majorité des maisons à murs-pignons découverts ont été reconfigurées en faisant disparaître ses principales caractéristiques : l’exhaussement, la cheminée double et une partie des pierres des corbeaux (ill. 5). Ces éléments distinctifs étant détruits, la maison prend alors l’allure d’une maison de pierre « traditionnelle » se fondant dans le paysage architectural faisant passer sous le radar leur passé de maison à murs-pignons découverts (ill. 8).
Situées à l’angle supérieur du mur des façades avant et arrière, les pierres taillées du corbeau sont toujours superposées les unes aux autres (ill. 2), contrairement au reste de la maçonnerie qui, elle, est généralement faite de moellons disposés en quinconce. Lors de la démolition partielle du mur-pignon, les pierres taillées supérieures du corbeau disparaissent alors que les pierres inférieures restent encastrées dans les murs (ill. 4). Ce sont ces pierres qui constituent l’indice le plus sûr de la présence d’un mur-pignon découvert.
Pour chaque maison ainsi modifiée, les maçons utilisent des stratégies différentes pour intégrer les vestiges des corbeaux dans la nouvelle configuration du mur-pignon. Quelques-unes concernent les différences remarquées sur le mur de façade :
La modification de la toiture et du mur-pignon s’avère une entreprise d’envergure. Le mur-pignon découvert, surmonté d’une cheminée double, est massif et imposant, alors que l’organisation des fenêtres est équilibrée (ill. 8). Une fois les travaux achevés, cet équilibre originel est modifié radicalement (ill. 9). Le mur-pignon est moins imposant et la double cheminée est remplacée par une frêle cheminée perchée au sommet du pignon. Le toit recouvre maintenant le mur-pignon et frôle les fenêtres des combles.
Il arrive aussi que, lors des rénovations, le toit se prolonge en façade pour abriter une galerie qui peut camoufler les pierres restantes de corbeaux. La très populaire maison à murs-pignons découverts suit un modèle relativement homogène1 alors que les transformations subséquentes du mur-pignon, elles, ne le sont pas, chaque intervention entraînant des solutions différentes.
Dans une étude sur la maison Thomas-Brunet2, il ressort que, sur les îles de Montréal et Bizard, le nombre actuel des maisons qui ont perdu leurs murs-pignons découverts est beaucoup plus élevé que celui des maisons qui l’ont conservé, sans compter celles qui ont été démolies. Les maisons modifiées ou démolies devraient s’ajouter au corpus des maisons de pierre à murs-pignons découverts, contribuant ainsi à faire de cette typologie historique nettement sous-estimée, un élément essentiel de la compréhension de l’évolution de la maison rurale en particulier dans la grande région de Montréal.
1. Denise Caron. « La maison de pierre à murs pignons découverts de nos campagnes », La Lucarne, printemps 2020.
2.http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/cons_pat_mtl_fr/media/documents/ ETUDE_HISTORIQUE_DENISE_CARON.pdf
Article tiré de La Lucarne – Été 2020 (Vol XLI, numéro 3).
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