Pourquoi
Amoureux d’antiquités et de maisons anciennes, en 1984, nous faisons l’acquisition d’une vieille maison située sur le bord des rapides de la rivière Richelieu dans la ville de Chambly. Il fallait être un peu fou pour s’embarquer dans ce projet, car la maison était immense, ne payait pas de mine, le toit était déformé, une partie du rez-de-chaussée avait été décapée au jet de sable et le foyer de brique donnait à l’ensemble un petit air « western ». Mais l’emplacement était superbe. Pour des maniaques puristes, la marche était haute, mais nous étions jeunes. Cela s’est avéré être le projet d’une vie.
Un peu d’histoire
Dès l’achat de la propriété et durant les 11 années suivantes, nous avons effectué de façon assidue des recherches historiques sur la maison. Nous avons consulté les minutiers de nombreux notaires, les archives judiciaires, les archives du gouvernement du Québec ainsi que celles du gouvernement fédéral.
Un acte de vente de 1786 entre Amable Monty et Toussaint Ferrière nous apprend qu’il y a une maison de 32 pieds carrés sur l’emplacement actuel. Or, Amable Monty était le fils ainé de Jean Monty, sergent des troupes françaises, qui avait acquis en 1750 de l’épouse du seigneur de Chambly un emplacement situé face aux rapides avec une maison. Il était d’usage à l’époque pour un père de remettre ses biens au fils ainé lors de sa mort ou de son vivant en échange de la prise en charge des parents par le fils. Mais nous n’avons pas trouvé de document l’attestant.
Toussaint Ferrière est un commerçant français qui vécut des déboires financiers au fur et à mesure que les commerçants anglais remplaçaient les commerçants français dans le nouveau régime britannique. Il vit sa maison être saisie en justice en même temps qu’elle faisait l’objet d’une expropriation par le nouveau seigneur de Chambly, Gabriel Christie pour l’intégrer à son domaine. Ce dernier meurt en 1799. Son épouse règle les frais de justice et acquiert la maison.
La seigneurie revient à son fils qui vend l’emplacement à son cousin, Gabriel Gordon, qui est lieutenant-colonel dans l’armée. Des documents de l’époque nous apprennent que la maison était désignée comme étant « The Yellow House ». Ce dernier la vend à l’armée britannique en 1814 et celle-ci devient la maison du plus haut gradé militaire britannique, le baron de Rothenburg.
La maison subit alors des transformations majeures. Un plan détaillé de 1823, ce qui est très rare pour une maison de pièces sur pièces, présente une vue de face montrant l‘emplacement des ouvertures, une coupe qui montre la charpente ainsi qu’une vue en plan avec les dimensions des pièces. Suite au départ des troupes vers 1860, la maison est vendue au village puis à différents propriétaires jusqu’à nous. À la lumière de cette information, nous avons choisi de lui redonner l’aspect qu’elle pouvait avoir en 1823.
Les transformations
La maison a subi de nombreuses transformations au cours des ans. Les trois cheminées ont été démolies, ne laissant que leurs fondations. Une nouvelle cheminée de briques a été construite. Une division porteuse a été éliminée au centre de la maison pour faire une vaste pièce au rez-de-chaussée et les cimaises et moulures ont été enlevées pour installer des panneaux de gypse. En façade, la porte a été décalée vers la droite sous une poutre maîtresse, une fenêtre a été murée, et la galerie supprimée.
Des débuts modestes
Bien que puristes, il nous fallait faire des compromis en fonction de notre budget et de la vie moderne ainsi que pour nous permettre d’y vivre avec nos trois enfants tout en réalisant des travaux. Tout d’abord, nous avons recouvert le foyer de crépi puis réinstallé les moulures et cimaises dans le salon. Les ravages découlant du jet de sable, bien que légers, ont été corrigés par du sablage ou par l’application d’un mince crépi. S’en sont suivis de nombreux chantiers dont les principaux sont :
Un détail amusant
Lors du curetage d’une cloison entre la cuisine et la salle à manger d’origine, nous avons trouvé au-dessus d’un cadre de porte une arche en bois moulurée. Nous avons réutilisé ce modèle d’arche à deux autres endroits lors de l’installation de nouvelles cloisons.
Une histoire qui ne finit pas
Nous faisons encore des découvertes chaque année. L’an dernier, un entrepreneur trouvait une rare pipe de plâtre commémorative dans les combles. Puis, en montant dans le grenier, j’ai pris conscience que deux pièces de bois imbriquées dans le mur que je voyais tous les jours étaient les vestiges des limons d’un ancien escalier de meunier.
Article tiré de La Lucarne – Automne 2018 (Vol XXXIX, numéro 4).
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