Né et formé en France, plus précisément à Lyon, Guy Bel pratique la forge à Saint-Laurent de l’Île-d’Orléans depuis plus de quarante ans.
M. Bel, comment en êtes-vous venu au métier de la forge?
Quelle a été votre formation?
Tout d’abord je dirais que des enseignants, il y en a beaucoup, mais c’est en pratiquant qu’on apprend vraiment. J’ai commencé ma formation à l’École des Beaux-Arts de Lyon où pendant quatre ans j’ai étudié, entre autres choses, le dessin de soierie. J’ai compris cependant que mon daltonisme constituerait un obstacle majeur dans ce métier et que je devais me réorienter. C’est en observant attentivement une grille qui se trouvait dans mon voisinage et après en avoir apprécié la finesse que je me suis dirigé vers le travail des métaux.
La première étape dans mon nouveau métier a été l’apprentissage de la soudure.
Comment vous êtes-vous retrouvé au Québec?
Après quelques années d’expérience, j’ai souhaité quitter la France pour un pays lointain, mais tout en continuant de parler français. Dans ces conditions, la destination naturelle était le Québec. Au bout d’un an à Chibougamau, je suis passé aux chantiers maritimes de Lauzon, puis, en 1977, j’ai ouvert mon atelier à Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans que je n’ai jamais quitté.
Sur quoi a porté surtout vote travail?
L’établissement de mon atelier a coïncidé avec les grands travaux de restauration de la Place Royale de Québec auxquels j’ai participé. Lors d’un séjour en France à Pérouges, une ville médiévale non loin de Lyon, j’ai pu observer que les modèles de ferronnerie ancienne étaient les mêmes que ceux qu’on trouvait Place Royale. Cela, d’ailleurs, se vérifie dans les différentes régions de France d’où provenaient nos premiers artisans. C’est également vrai de la forteresse de Louisbourg où j’ai travaillé dans le cadre de la reconstitution entreprise par Parcs Canada. Mon travail consistait à restaurer ou reproduire les éléments métalliques des lieux.
Y a-t-il une de vos œuvres dont vous aimeriez nous parler?
J’ai réalisé quelques monuments publics. Si vous connaissez le Parc des ancêtres à Sainte-Famille de l’île d’Orléans, vous avez peut-être vu L’homme racine qui, suite à un concours sous le thème de la généalogie, m’a été commandé par la Fondation François-Lamy. Il s’agit d’une œuvre en alliage d’acier Corten de 10’ de haut.
J’ai aussi réalisé une feuille d’érable géante en cuivre mesurant 25 pieds par 25 pieds pour la municipalité de Saint-Quentin au Nouveau-Brunswick.
Qu’en est-il, selon vous, de la relève?
J’ai embauché et formé, au cours des ans, un grand nombre de jeunes intéressés par le métier. Certains, depuis, ont ouvert leur propre atelier. Il m’arrive de faire appel à eux lorsque mon travail l’exige.
Il n’en demeure pas moins que la relève est fragile. Les jeunes auraient besoin d’un appui financier pour ce qui est de la formation, mais également pour l’investissement initial. En effet, l’équipement nécessaire au travail de la forge est fort coûteux et difficile à repérer. J’ai apporté de France une série de marteaux, mais j’ai construit ma forge moi-même en remettant en état quelques vieilles machines qui étaient destinées à la ferraille. Les pièces d’équipement me viennent d’un peu partout au Canada et aux États-Unis.
Après toutes ces années êtes-vous encore actif?
Certainement. Je travaille présentement, pour Parcs Canada, à la restauration des Nouvelles Casernes dans le Vieux-Québec et pour la Municipalité de Saint-Laurent de l’Île d’Orléans, à une œuvre sculpturale «La Volée D’Oies». La demande est forte et l’offre existe, car les jeunes artisans aspirent à faire du beau travail plutôt qu’une production banale. Malheureusement, il manque un lien essentiel entre demande et offre, soit l’appui matériel aux jeunes artisans lequel devrait être assuré par les pouvoirs publics.
Article tiré de La Lucarne – Automne 2018 (Vol XXXIX, numéro 4).
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