La gare patrimoniale centenaire de Vallée-Jonction

10 novembre 2018

La gare patrimoniale centenaire de Vallée-Jonction
François Cliche

L’arrivée du chemin de fer…

Carte postale colorée de la première gare à Valley Junction, vers 1914 © Archives Musée Ferroviaire de Beauce, Fonds P-H-ClicheSuite à la Confédération de 1867, deux compagnies ferroviaires seront étroitement liées au développement du rail en Beauce. En 1876, la Levis & Kennebec Railway atteint un endroit désigné « Trou-de-la-Bisson ». Trois ans plus tard, en amont, une première station sera érigée sur un site stratégique, berceau de la future paroisse de l’Enfant-Jésus (Vallée-Jonction). De son côté, la Quebec Central Railway aboutit juste en face sur la rive ouest de la Chaudière en 1880. L’année suivante, un premier « pont des chars » couvert relie les deux rives, permettant un lien direct entre Sherbrooke et Lévis. La gare de Beauce devient une jonction ferroviaire, qui finira par relier la Beauce à Mégantic en 1895, à Lac-Frontière en 1915, à Québec en 1921, voire même aux États-Unis.

Une nouvelle gare est attendue…

Gare Valley Junction, vers 1918-22 © Archives Musée Ferroviaire de BeauceDès la fondation de la paroisse en 1898, la petite station de Beauce-Jonction semble désuète vu les 10 000 personnes qui transitent sur ses quais annuellement. En 15 ans, de nombreuses installations du rail ont rapidement rendu le site ferroviaire surchargé avec sa rotonde à trois portes, son pont tournant, ses tours à eau et à charbon et une cour de triage triplée en superficie.

Malgré les besoins ferroviaires grandissants, il faudra attendre en juin 1917 pour qu’une nouvelle gare soit inaugurée au même endroit. Le nouvel édifice construit selon un plan standard du Canadien Pacifique est considéré comme la gare la plus moderne et la plus spacieuse sur tout le réseau de la Compagnie du Chemin de fer de Québec Central.

Une gare architecturale et patrimoniale en devenir…

Vallée-Jonction s’enorgueillit aujourd’hui de sa magnifique gare qui fut sa raison d’être il y a plus d’un siècle. Outre le bureau d’opération du chef de gare et la salle des bagages, le bâtiment offre une vaste salle d’attente ainsi qu’une plus petite pour les non-fumeurs et les femmes, des bureaux pour sa propre police et le « roadmaster », ainsi qu’une salle de conférence et des chambres avec cuisine commune à l’étage pour les employés du rail. Vers 1950 lors de la « guerre froide », on rajouta au sous-sol un abri antinucléaire, assurément le seul du genre en zone inondable dans toute l’Amérique du Nord.

Sise au bord de la rivière Chaudière en plein cœur de Vallée-Jonction, cette gare centenaire remplie d’histoire présente donc un intérêt patrimonial de par sa valeur architecturale. Elle est représentative des gares du début du XXe siècle.  La construction principale est faite avec un nouveau matériau en vogue à l’époque : les blocs de bossage en ciment imitant la pierre. Avec son élévation d’un étage et demi et son plan en « T », elle est coiffée d’un toit à croupes. Un large abri constitué par le prolongement du toit et appuyé sur des piliers complète l’une des extrémités du bâtiment.

Plusieurs éléments architecturaux en bois prédominent. L’une des façades, aménagée sur un mur pignon qui montre la trace d’une ancienne porte centrale, est ornée de faux colombages.  Ses larges avant-toits débordants sont supportés par une série de consoles en bois. Les larges portes à panneaux avec vitrage, les nombreuses fenêtres à guillotine à petits carreaux et les lucarnes à croupe s’ajoutent aux consoles, bandeaux et linteaux. Les bas de murs intérieurs sont couverts de planches en « V » dont le bois provient de Colombie-Britannique.

Enfin, son emplacement d’origine à la jonction de deux lignes ferroviaires dans un espace triangulaire, la proximité de nombreuses infrastructures ferroviaires toujours en place (pont d’acier, rotonde, plaque tournante, passerelle pour piétons, sa vaste cour de triage…) et l’inscription « Québec Central » en façade principale lui confèrent un aspect très particulier.

Sa mise en valeur et ses lettres de noblesse…

Rencontre des trains Express et Local en gare de Vallée, 1922 © Archives Musée Ferroviaire de BeauceValley Junction devient très tôt le centre névralgique des opérations ferroviaires sur l’ensemble du réseau, jusqu’à 80 % des travailleurs de la localité seront au service du Québec Central. Vers 1950, la Compagnie voit son achalandage diminuer graduellement, elle abandonne le service aux passagers en 1967; un dernier départ de quelques wagons a lieu en 1991 et elle cesse définitivement toute activité en 1994.  C’était la fin de la belle époque du chemin de fer!

Vu l’importance du site et le rôle stratégique de la gare de Vallée-Jonction, en 1990 est fondé le Centre d’interprétation ferroviaire de Vallée-Jonction. L’organisme est voué à sauvegarder d’abord la gare de la démolition et à y installer le Musée ferroviaire de Beauce.

Le bâtiment sera désigné gare ferroviaire patrimoniale canadienne (1991) et cité bien culturel (2003). Depuis 1994, le Musée aura accueilli pas moins de 100 000 touristes. Très enchantée de la préservation de son édifice emblématique, la Municipalité de Vallée-Jonction a réuni les sommes nécessaires à sa restauration majeure et en grande pompe le 16 novembre 2017, on a inauguré la toute fin des travaux.  À juste titre, la gare patrimoniale de Vallée-Jonction se veut un témoin du développement ferroviaire québécois. 


Article tiré de La Lucarne – Automne 2018 (Vol XXXIX, numéro 4).

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